La coopérative de théâtre Machahu a honoré la mémoire du dramaturge avec la pièce Sin nni à Tizi Ouzou. Le spectacle a drainé une nombreuse affluence. La commémoration du 14e anniversaire de la disparition du dramaturge Mohia a eu lieu samedi au théâtre Kateb Yacine de Tizi Ouzou. Les nombreux spectateurs, dont beaucoup de familles, qui ont occupé les travées de la salle, ont été émerveillés pendant une heure par la pièce Sin nni (adaptation par Mohia de Les émigrés, de l'écrivain polonais Slawomir Mrozek, admirablement interprétée par un duo de comédiens de la jeune coopérative théâtrale Machahu d'Iferhounen (région de Aïn El Hammam). Les jeunes comédiens de cette troupe ont démontré ainsi tout leur talent dans l'art des planches, avec la présentation de cette pièce, mise en scène par le jeune Sadek Yousfi, «pour rendre hommage au regretté Mohia, enfant d'Ath Erbah, commune d'Iboudrarene, décédé le 6 décembre 2004 à Paris, à l'âge de 54 ans». L'association Imghi (le bourgeon), de la même commune, a pris part à la préparation et à la présentation de cette pièce-hommage. Yalali Mohand Ouidir, l'«intellectuel», et Rahmouni Ouzien, l'«ouvrier illettré», venu d'un village rural de Kabylie, sont les deux comparses qui incarnent les deux rôles de la pièce Sin Nni, que feu Mohia campait admirablement, dans son texte, seul de sa voix, étant donné que c'étaient des situations par lesquelles il avait transité, celle de l'intellectuel et de l'ouvrier à la fois, a-t-on expliqué. Les deux jeunes comédiens de la coopérative Macahu ont pu rendre «palpables» les conditions de vie des deux émigrés en France, subsistant dans une cave insalubre, l'un, l'intellectuel, se consacrait à ses études, projetant même d'écrire un livre, tandis que son hôte, ouvrier illettré de son état, voyait plutôt loin, en dissimulant son argent dans une peluche-ourson pour enfant. Alors que l'étudiant est plutôt philanthrope, le jeune illettré, ayant laissé femme et enfant en Kabylie, projetait plutôt de construire une bonne habitation au village. «Défendant» sa religion à laquelle il était habitué dans son patelin, l'émigré illettré, allant jusqu'à «interdire» à son colocataire d'insulter son ddin, ne profite pas moins de consommer du vin acheté par ce dernier à l'occasion des fêtes du Nouvel an, tout en dansant jusqu'à épuisement. L'occasion des fêtes de fin d'année dévoilera son «illettrisme» et son «radinisme», après avoir acheté, pour sa propre nourriture, une boîte de conserves pour… chiens et chats. Têtu malgré la démonstration de son ami, qui s'avéra être un «réfugié politique», que le produit n'est pas destiné aux humains, «preuve en est les belles images sur la boîte représentant les dociles bêtes domestiques à quatre pattes», il rétorque : «Dis-moi alors ; le café La Perdrix que nous achetions chez nous en Kabylie, est-ce qu'il est destiné pour être picoré par la perdrix ?» Impossible de cohabiter, de par la différence caractérielle, l'hôte de «l'intellectuel» va jusqu'à demander à son colocataire : «Pourquoi il n'y a pas de mouches dans ce bled, comme celles qui, chez nous, faisaient de la musique, sitôt prises aux pièges aux couleurs de miel (ces rouleaux à colle) suspendus aux plafonds de nos maisons ? Tu te souviens, non ?» C'est ainsi que l'un, colère aidant, détruisit la fortune de billets de banque cachée dans la peluche-ourson de son ami de fortune, destinée probablement pour la construction de mosquées au village, alors que l'autre en fit autant du cahier, projet de livre entamé déjà au pays natal, dont son colocataire soupçonnait d'y être dénoncé, en cas de publication, comme quoi «il faisait la prière et consommait de l'alcool en même temps et qu'il ne sait parler que de mouches et leurs variables musiques». A la fin du spectacle, le metteur en scène fait dire à Mohia, en le décrivant dans ses deux personnages à la fois de l'intellectuel et de l'ouvrier en exil, ce message qu'il transmit à son compagnon de chambre (cave), la corde au cou, sur la scène du «suicide» : «Dis-leur que l'exil m'a délesté de tout et que les Brobros m'ont lâché…». Sur ce, apparaît au fond du rideau l'image de Mohia disant sa phrase de réputation : «Amek akken a Si L'bachir, la situation est grave, mais pas désespérée…». La pièce appréciée par le public décrit la vie collégiale de beaucoup d'émigrés algériens en Europe.