On a souvent tendance à perdre de vue que des pays se joignent au Mouvement des pays non-alignés. On en parle peu et même très peu, comme s'il fallait minimiser l'importance de ce mouvement, né en pleine guerre froide, qui avait décidé de prendre ses distances avec les deux blocs. C'était une époque. Le monde a changé avec la disparition des blocs en question et aussi les divergences idéologiques. Tous les pays ou presque parlent le même langage, celui du libéralisme. Mais pas avec les mêmes moyens ni avec la même tonalité, avec toujours d'aussi grands écarts. C'est le seul changement que le monde ait connu depuis vingt ans, mais l'esprit du non-alignement tel que développé lors du sommet d'Alger, en 1973, demeure d'actualité et la crise économique actuelle lui a même donné une plus grande vigueur. C'est la revendication d'un ordre international plus juste. Même avec cinquante ans de retard, il se trouve que des pays en viennent eux aussi à contester, d'une manière ou d'une autre, le système actuel producteur de crises. Ceux-là s'en prennent à certains de ses éléments comme la monnaie de paiement ou encore la sécurité collective qui n'en est pas une puisqu'elle se décide en dehors des enceintes qui lui sont pourtant consacrées comme l'ONU. L'on se rappelle que pour faire face à cette revendication, les pays industrialisés ont verrouillé le système international, mais en vain puisque l'un de ses instruments les plus évidents, le G8, qui a tout juste servi à rappeler une évidence, celle d'un monde divisé entre riches et pauvres, est appelé à disparaître et cela au moins pour n'avoir pas empêché la crise actuelle. Il a produit les éléments de son propre échec. Il est même des dirigeants qui entendent lui substituer le G15, ce qui suppose l'intégration de puissances potentielles, celles qu'on appelle les pays émergents. Mais est-ce là la solution aux problèmes de la planète si l'essentiel de sa population s'en trouve exclue et vit dans une misère extrême, victime de l'ordre actuel ? Des tentatives de sortie du sous-développement ont été brisées à coups de normes imposées et surtout de subventions, sans respect pour ce qui tient lieu de règles internationales. Des pays avec leurs millions d'habitants sont abandonnés et l'on s'étonne de voir le monde renouer avec la piraterie. On devient extrémiste jusqu'à accepter de mourir en mer, dans cette quête de l'eldorado. Et tous ces conflits entretenus pour une simple raison de parti-pris ou attisés pour de sordides intérêts. La fracture entre riches et pauvres n'a jamais été aussi grande et la pauvreté, se rend-on compte, n'est pas une fatalité. Il est toujours temps et dans l'intérêt du monde d'y remédier. C'est cela, l'appel d'Alger. Un monde plus juste et rien d'autre.