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Le Non-alignement en question
SOMMET À CUBA
Publié dans L'Expression le 11 - 09 - 2006

Quelles perspectives futures pour le mouvement dans le monde unipolaire américain?
C'est aujourd'hui que débutent à Cuba les travaux du XIVe sommet du mouvement des Non-alignés, par les réunions des commissions, avant qu'il culmine avec le sommet des chefs d'Etat et de gouvernement prévu vendredi et samedi prochains. Toutefois, ce sommet du Non-alignement qui se tient de nouveau à Cuba, après celui de 1979 à La Havane, aura cette particularité de voir Fidel Castro, l'un des rares survivants politiques de cette période, alité suivre - de son lit d'hôpital - les travaux d'un mouvement dont il a été l'un des animateurs patentés, d'une part, du fait que le Non-alignement s'est quelque peu essoufflé et se recherche de nouveaux objectifs à réaliser, sinon de raisons d'exister, dans un monde dominé par l'hégémonisme américain. De fait, c'est toute la philosophie du Non-alignement qui est aujourd'hui à reconstruire, d'autant plus que la disparition du bloc soviétique a laissé place au pouvoir sans partage américain. La disparition des blocs (occidental et communiste) et leurs rivalités (comme la guerre froide) -qui fondaient la raison d'être du Non-alignement- n'a pas amené le mouvement à réfléchir à son devenir, alors que l'hégémonisme et l'unilatéralisme américains pèsent de plus en plus lourd sur le monde. Mais au fait, pouvait-il en être autrement lorsque le rôle du Non-alignement a été, à tout le moins, marginal dans les grandes questions qui se posaient au monde et des réponses à apporter aux problèmes auxquels étaient, sont, confrontés les pays en voie de développement. Aussi, ni les problèmes de développement ni l'éradication de la pauvreté, problèmes récurrents de l'hémisphère Sud de la planète n'ont en réalité trouvé de solutions à la hauteur des ambitions que nourrissait alors le Non-alignement. Pourtant, à son lancement en 1961 à Belgrade -sous l'impulsion des présidents yougoslave, Josip Broz Tito, égyptien, Gamal Abdel Nasser, et le Premier ministre indien, Pandit Jawaharal Nehru-, il suscita beaucoup d'espoir parmi les laissés-pour-compte du développement. La création du Non-alignement en 1961 était venue en quelque sorte comme un aboutissement au sommet afro-asiatique de Bandoeng de 1955 qui proclama en exergue la «coexistence active et pacifique» au plan international comme son leitmotiv, et militant d'autre part pour l'autodétermination et l'indépendance des peuples opprimés par le joug de la colonisation. A Belgrade, le Non-alignement a mis en avant le rejet des blocs et a réaffirmé la coexistence pacifique comme son principe fondateur, demandant aux Etats-Unis et à l'Union soviétique de maintenir des «contacts» afin d'éviter les conflits dans le monde. Si, effectivement, les indépendances se sont réalisées depuis cette époque, auxquelles le Non-alignement a grandement contribué, il faut également relever qu'il a été en revanche, impuissant à imposer la coexistence «active» et pacifique, laquelle est demeurée un voeu pieux même si la confrontation directe, tant redoutée, entre les deux blocs, n'a pas eu lieu. Avec le recul, il apparaît aujourd'hui que le Non-alignement malgré son engagement n'avait pas en fait les moyens de ses ambitions politiques et économiques, d'autant plus que sa composante hétérogène ne lui permettait pas de jouer pleinement le rôle pour lequel il s'est investi. Noyauté de l'intérieur par la présence dans ses rangs de pays qui ne cachaient pas leurs préférences occidentales et/ou résolument communistes ou pro-soviétiques, il était patent que le Non-alignement est devenu, à la longue, un rassemblement sans véritables perspectives, à l'intérieur duquel les deux blocs se neutralisaient. D'ailleurs, les décisions opportunes, prises, notamment par le sommet d'Alger de 1973, pour la mise en place d'un Nouvel ordre économique mondial, plus en phase avec les réalités du développement, n'a jamais été suivi des effets escomptés alors que les pays dit en «voie de développement» n'ont cessé de voir leur situation se dégrader. Il n'y eut pas davantage de répondants aux demandes des Non-alignés qui ont fait du désarmement l'un de leur thème majeur, dès le sommet de New Delhi de 1983, renouvelé constamment notamment par celui de Carthagène de 1995 qui demandait la destruction totale et définitive de tous les arsenaux nucléaires. Non seulement on n'en est pas là mais, au contraire, la course aux armements a été relancée de plus belle par les Etats-Unis qui se sont lancés dans la construction d'armes du futur dites de «la guerre des étoiles» et surtout par l'abrogation, par le président américain, George W. Bush -dès son arrivée au pouvoir-, du traité ABM signé en 1972 par les USA avec l'URSS sur la réduction des armes de destruction massive (ADM) et l'interdiction de certains de leurs vecteurs.
Or, au moment où s'ouvre le XIVe sommet des Non-alignés, seul le programme nucléaire iranien semble faire problème lorsque le véritable danger nucléaire représenté par le développement par les Etats-Unis des armes du XXIe siècle est totalement passé sous silence. Le Non-alignement, qui n'a pas pesé en profondeur sur les changements qui ont affecté le monde ces dernières décennies, a-t-il encore une justification à son existence? La question se pose d'autant plus que l'on ne voit pas comment des communistes, des théocrates, des monarques absolus et des régimes qui se réclament du libéralisme qui forment le mouvement des Non-alignés, peuvent parler d'une seule voix. Cette hétérogénéité, qui a bloqué par le passé les Non-alignés, peut-elle sérieusement impulser aujourd'hui un mouvement qui se recherche de nouvelles raisons d'exister?


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