Le symposium des écrivains africains organisé depuis hier avec la participation de 75 hommes et femmes de lettres, a été ouvert en présence de la ministre de la Culture, Khalida Toumi qui prononça à cette occasion une allocution de bienvenue aux invités du Panaf'. Elle a profité de cette tribune pour annoncer la création de la bibliothèque du lycéen qui comprendra un livret dans lequel figureront des auteurs africains. Cette initiative sera une tentative de consécration de la pratique de la lecture dans les milieux des jeunes. Lors de cette ouverture, Mme Nadjet Khada, commissaire du symposium a indiqué qu'une autre rencontre littéraire de la même ampleur se tiendra en novembre prochain à Alger. Le Congolais Caya Makhélé, responsable de la revue Continental a révélé pour sa part les noms des lauréats des prix littéraires dénommé Continental et décerné cette première fois à l'Ivoirienne Tanella Boni, la Sénégalaise Nafissatou Djatou et à celui qui n'est plus à présenter pour les Algériens, Rachid Boudjedra. Le prix attribué à ces écrivains est symbolique (pas financier) et récompense toute l'œuvre et la démarche intellectuelle des ces auteurs. Dans son adresse aux participants pour leur souhaiter la bienvenue, Rachid Boudjedra a mis le doigt sur un point douloureux pour l'ensemble des habitants du continent en rappelant son regret de ne pas connaître la jeune littérature subsaharienne. Il précise à ce propos que ce Panaf n'est pas seulement festif, « il devrait nous permettre de ne plus passer par Paris ou Londres pour nous connaître les uns les autres », a-t-il souhaité. Les travaux du symposium ont réellement commencé l'après-midi avec la première séance intitulée : Le travail de l'imaginaire : mythes ancestraux et modernité. La séance bénéficiait d'un panel de qualité composé de Noureini Tidjani-Serpos directeur de département de l'Unesco (président), Boniface Mongo M'Boussa (Modérateurs) et des intervenants (écrivains) : Anouar Benmalek, Eugène Ebode, Calixthe Beyala, Wacyni Laradj, Sami Tchak, Habib Tengour et Emanuel Matateyou. Il s'agissait de situer la place et le rôle du mythe, en d'autres termes de certaines traditions culturelles ancestrales dans l'acte d'écriture. La Camerounaise qui est intervenue en premier après une brève présentation du thème de la séance par Tidjani-Serpos, invoqua la manière avec laquelle mais de façon indirecte voire inconsciente, les mythes pénètrent les personnages des ses écrits. L'action du mythe est une « projection non consciente qui se retrouve dans ce que j'écris à travers les structures professionnelles des mes personnages parce que je me suis nourrie de ces mythes. Et alors on les retrouve par exemple dans la force de mes personnages ». Abordant la question sous un angle très différent et dans une brève intervention vigoureuse l'écrivain Anouar Benmalek n'hésite pas à remettre en cause certaines traditions en affirmant que les mythes sont nos alliés mais aussi nos ennemis. S'ils ont agit comme alliés en servant de base parfois à positiver les nobles causes libératrices, ils ont fonctionné également après les indépendances comme base de légitimation des pouvoirs des dictateurs et de justification d'actions politiques liberticides. Dans ce cas les mythes ont servi les dictatures à travers l'érection de la stature de la nation d'où là le devoir pour les écrivains » d'assassiner le père dans l'objectif évident de libérer le citoyen. Il en est de même pour certains mythes fondateurs que sont la religion et le nationalisme qui sont devenus selon lui les ennemis des écrivains dont beaucoup, pour pouvoir s'exprimer sans entrave sont obligés de s'exiler en terre étrangère pour pouvoir écrire sur leur propre pays. Benmalek donne pour illustrer ses propos toute la nocivité qu'a pris maintenant dans la bouche des nationalistes le terme « frère » qui nous « empêche d'être citoyens. » Pour sa part, le Malien Sami Tchak se pose la question de savoir de quels mythes on parle ? Et d'affirmer j'ai découvert à six ans à l'école la civilisation écrite avant les mythes. C'est donc par l'écriture que nous avons découvert les mythes véhiculés auparavant par l'oralité. Pour l'écrivain algérien Wacini Laradj, plus on descend profondément dans l'ancestralité on est dans la modernité parce que nous sommes aussi bien le produit du passé que du présent. Lardj rappellera comment il a utilisé le mythe de Chahrazed en faisant intervenir un autre personnage, sa sœur Douniazad pour lui faire jouer le rôle d'initiatrice de la liberté. Pour le Camerounais Eugène Ebodé emprunte le chemin inverse de son confrère malien Tchac en affirmant que le mythe ne provient pas uniquement de l'écriture mais aussi de l'oralité à l'exemple du mythe du revenant, celui-là même qui vient ou qu'on fait venir pour nous faire peur, tel celui qui dans le pays de cet auteur revient pour voler le sexe des hommes. Le mythe décisif dit-il n'est pas éloigné du revenant parce qu'il relie ce qui a été et ce qui sera. Habib Tengour, anthropologue, poète et écrivain algérien, est parti du mythe grec de l'odyssée qui renvoie au retour pour développer son argumentaire autour de l'identité. En fin d'après midi, interventions et débats se sont relayés pour soumettre à l'analyse les concepts de mythe et de modernité. Les divergences des visions, l'intensité des débats ont remis en cause ce qui pouvait être pris le matin pour argent comptant. Ce qui est apparu comme une nécessité absolue c'est que ce genre de rencontres se multiplie pour permettre aux intellectuels de ce continent de se rapprocher les uns des autres.