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« Chez vous, il y a des voitures, des maisons à étages ? »
Gustave le « Prince des clandestins »
Publié dans El Watan le 18 - 07 - 2009

Petit, malingre et d'une joyeuse espièglerie, vêtu d'un costume tout en jean et s'exprimant avec une gouaille truculente, Gustave ne laisse pas indifférent et s'avère être une personne absolument attachante.
Son caractère, sa sagacité d'esprit, sa culture, son tempérament guilleret, son entregent, lui vaudront de s'imposer comme le chairman et le porte-parole de tous les migrants cantonnés dans les faubourgs de Oujda où nous l'avons rencontré. Le voici qui nous reçoit dans un cybercarfé dont il supervise les ordinateurs avec l'assurance du maître de céans. Gustave a 36 ans et il est Congolais (RDC). Il était en 4e année de fac, préparant un ingéniorat en agronomie quand l'étudiant surdoué qu'il était se vit confronté à de terribles péripéties qui allaient changer radicalement son destin. « J'étais un brillant étudiant mais il se trouve que j'étais d'un tempérament bouillant et mon engagement politique faisait que je m'investissais fougueusement dans les luttes étudiantes qui secouaient ma faculté », explique-t-il. Le 13 décembre 2001, Gustave prend part avec ses camarades syndicalistes à une grande manifestation étudiante pour revendiquer l'amélioration des conditions de vie au sein du campus. Les manifs finissent par envahir la rue et provoquer de violentes émeutes. Les policiers tirent à balles réelles. « Le 15 décembre 2001, le gouvernement parle de trois policiers morts. Et pour couronner le tout, je vois mon nom figurer sur une liste d'étudiants recherchés et diffusée à la télévision. » Gustave risquait gros.
Il ne lui en faudra pas plus pour le décider à quitter diligemment le pays après l'arrestation de l'un de ses amis les plus proches surnommé Lumumba. Gustave gagne le Congo-Brazzaville, soit l'autre moitié du Congo. « Ma famille ne savait rien de mes desseins », confie-t-il. Il reste quelque temps à Brazzaville, traverse le Nigeria, enchaîne sur le Niger. Le voici à Agadez. Il y passe quelques jours et décide de rentrer en Algérie. Il débarque ainsi à Djanet grâce à un faux passeport qu'il a réussi à fignoler en as de l'informatique qu'il est. « J'ai une facilité à imiter tout. Mon argent, c'est ma tête », s'auto-congratule-t-il. Une fois à Djanet, Gustave consent la mort dans l'âme à travailler dans un chantier de construction. « Le nouveau quartier d'Ifri, à Djanet, c'est nous qui l'avons construit », affirme-il fièrement. Sitôt ayant assuré son ordinaire, il se retire de ce travail ingrat. « La maçonnerie, ce n'est pas mon assiette. » « C'était quelque chose d'humiliant. Il y avait parfois des comportements désobligeants. Un type m'a demandé une fois : "Chez vous, il y a des voitures, des maisons à étages ?" On nous prenait pour des sauvages. » Gustave reprend son chemin de croix. Direction : Illizi, 400 km au nord de Djanet. A Illizi, il se lie d'amitié avec un jeune entrepreneur prénommé Farid qui le prend bientôt sous son aile, un tycoon local armé de pouvoir et d'argent qui sera charmé par les capacités intellectuelles du jeune prodige congolais. « Farid voulait monter un projet Ansej et il m'a exploité à fond là-dedans. Je lui ai proposé trois projets dans le domaine agricole dont l'un portrait sur le recyclage des déchets domestiques. Tant qu'il avait besoin de mes services, il me choyait comme un prince. Il m'a installé dans sa maison, il m'a présenté sa femme, on a mangé le pain et le sel. Il a même équipé ma chambre d'un ordinateur et d'un poste de télévision à écran plat.
J'avais droit à des vêtements neufs. J'étais devenu un membre de la famille. Tout le monde était gentil avec moi. » Gustave finit par découvrir le caractère fortement intéressé de tant de sollicitude. « J'attendais qu'il me paie, en vain. Pourtant, il avait eu son argent et ceci grâce à mon étude. Je venais de passer plus de trois mois à son service. Je lui ai demandé de me payer en lui signifiant que j'étais un agro-consultant. Il se débinait. Il a voulu me garder pour démarrer son projet. Je lui ai signifié que mon temps était rationné. Je demandais juste mon dû. Il m'a dit : "Moi, je t'ai logé, nourri, pendant que tes amis dorment dehors". Je lui ai rétorqué : j'ai l'habitude de dormir dehors ! Il m'a donné 3000 DA, alors que mon étude coûtait des millions. J'ai dit ciao et je suis parti. » Son infortune le contraint à renouer avec la maçonnerie pour gagner un peu d'argent « de quoi quitter Illizi et la zone désert ». Gustave paie un passeur 4500 DA pour l'emmener à Hassi Messaoud, le Texas algérien. Le véhicule les lâche en court de route. « On a continué à pied sur la route entre In Aménas et Hassi Messaoud. » Il se fait arrêter par des militaires. Deux jours de détention à la brigade de In Aménas et le voici refoulé vers Djanet avant d'être transféré à Tamanrasset. « J'ai passé une semaine et demie dans le centre de rétention en plein air », relate Gustave. Le génie réussit à s'échapper du centre avec la complicité d'un gardien qu'il a soudoyé, assure-t-il. « Je lui ai donné 4000 DA. C'est l'Afrique ! », s'esclaffe-t-il. Il trouve refuge à Gatâa El Oued, le carrefour de tous les immigrants de passage par Tam. Il retrouve des amis congolais au « Château 5 étoiles », un refuge glauque où s'abritent tous les parias du continent. « Je connaissais le chairman. Il se trouve qu'il devait reprendre la route, alors il m'a nommé chairman à sa place.
Tous les migrants passaient par moi. Je les plaçais dans les chantiers de construction comme le chantier de l'université, en échange de quoi, je percevais un tiers de leur premier salaire. Je connaissais tous les chefs de chantier et tous les entrepreneurs de Tamanrasset me connaissaient. Dès qu'un nouvel arrivant débarquait, je le plaçais dans les chantiers et je touchais ma commission. Quand quelqu'un veut vendre son passeport pour manger, il passe par moi. Le passeport se vend selon le pays. Le plus cher est le passeport malien parce qu'il ne nécessite pas de visa. Cela se négociait autour de 2500 DA à l'époque (2003). Il suffisait de retenir le nom et la date de naissance. Mais il faut un minium de ressemblance pour que cela soit fiable », assure-t-il, avant de confesser : « Je circulais personnellement avec un faux passeport malien. Le type me ressemblait, c'était un commerçant. Au bout d'un an, un flic a fini par me débusquer. Il me connaissait. J'ai été présenté au procureur, un très gentil monsieur. Très correct. Il a même regretté mon expulsion. » « La reconduction aux frontières a été une épreuve particulièrement humiliante. Le trajet de Tam à Tinzaouatine était infernal. On ne peut pas prendre les gens comme des vaches, les charger comme du troupeau. Il y avait des enfants, des bébés…Cela s'est fait de nuit, à bord de gros camions. A Tinzaouatine, j'ai vu le chairman qui m'a aidé à retourner en Algérie. Je suis remonté jusqu'à Tam et de là, j'ai décidé de gagner le Nord. »Gustave peut au moins se consoler d'avoir trouvé son bonheur auprès d'une Marocaine qui l'accepte comme il est. « J'ai été insulté par des Marocains et elle leur a dit : il est mieux que vous. Ses qualités, je ne les ai pas trouvées chez mes frères ! ».


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