« C'est infernal, toutes ces machines festives qui nous empêchent de dormir ». Da M'hend, du haut de ses 90 ans, regarde d'un mauvais œil l'évolution qu'a pris la célébration des fêtes de mariage. Il regrette le temps où ces fêtes se déroulaient dans une ambiance empreinte de sérénité et étaient réellement de très grands moments de la vie familiale et communautaire. Il y a de la mélancolie et de la nostalgie dans les propos du vieillard. « Avant, précise-t-il, les festivités se passaient uniquement la nuit et l'on n'entend que les chants et les youyous des femmes, lorsque la famille organisatrice de la fête n'a pas les moyens de se payer des Idhabalen, et en général cela ne dure qu'une heure ou deux heures, à onze heures chacun rentre chez-soi ». Autres temps, autres mœurs. Aujourd'hui, nos villes et villages deviennent à l'occasion des fêtes familiales, de véritables discothèques à ciel ouvert. Les disc-jockeys, omniprésents aujourd'hui dans les célébrations, sèment de la joie mais aussi de la gène. On se retrouve ainsi, parfois dans un même village, dans une situation intolérable : une cérémonie funèbre se déroulant sous des airs de musique agressive. Si la gestion des salles de fêtes, notamment dans les villes, est soumise à une réglementation rigoureuse, ce qui atténue du taux de nuisance sonore, il n'en est pas de même dans les fêtes organisées dans les maisons individuelles. Là, on n'en fait qu'à sa tête. Ce qui a d'ailleurs amené certains comités de village à légiférer sur l'usage des ces gadgets assourdissants. Mais quelque que soit la volonté de certains à faire barrage à ces « excès » modernes, la tendance à délaisser la tradition des fêtes kabyles suit irrémédiablement son cours. Ainsi que ce soit dans les villes ou les villages, dans des salles de fêtes ou dans des maisons individuelles, le décor, à quelques exceptions près, est le même. La tradition a laissé place à de nouvelles mœurs : Là, c'est le DJ, à longueur de journée qui diffuse à fortes décibels des chansons difficilement écoutables en famille, des portables multimédias qui volent des moments d'intimité… Ailleurs, on ne se croirait même pas dans une fête, la musique est y carrément interdite. Et, évidemment toutes ces nouvelles mœurs ont leurs défenseurs. Au-delà des avis des uns et des autres, le fait est là, on s'éloigne peu à peu de nos saines traditions festives pour tomber à pieds joints dans l'inconnu. Avec cette nouvelle mentalité, si les dépenses et les tracasseries se sont multipliées, c'est la joie et la convivialité qui ont reculé. Il y a de la prodigalité, du boucan, du « délirium tremens » dans ces fêtes de mariage ; de l'excès de vitesse dans les cortèges matrimoniaux qui se terminent parfois en drame …