Euphorique depuis sa réélection controversée, le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, commence à goûter à la défaite. La cause, son bien-aimé premier vice-président, Esfandiar Rahim Mashaie, a été forcé à la démission par le guide suprême qui a fini par céder aux pressions des conservateurs. La belle assurance d'Ahmadinejad de nommer son gendre contre vents et marées n'a tenu qu'une petite semaine. « Obéissant aux ordres du guide suprême, je ne me considère pas comme le premier vice-président mais (...) servirai notre cher peuple comme je le pourrai », a indiqué hier Rahim Mashaie, selon l'agence de presse Irna. L'ordre de l'ayatollah Khamenei de le renvoyer n'a laissé aucune chance au président Ahmadinejad, contraint d'obtempérer au risque de subir le même sort. « La nomination de Esfandiar Rahim Mashaie au poste d'adjoint du président est contraire à votre intérêt et à celui du gouvernement, et elle provoquera la division et la frustration de vos partisans », lui a signifié le guide de la révolution dans une lettre diffusée par la télévision. Conclusion : « Il faut annuler cette nomination », lui a-t-il intimé. Il ne restait donc à Ahmadinejad qu'à exécuter une sentence qui a dû lui faire très mal. Mais il ne pouvait rien contre les conservateurs qui ont demandé la tête de Mashaie, coupable d'avoir affirmé en juillet 2008 que l'Iran était « l'ami du peuple américain et du peuple israélien ». Une déclaration qui s'apparente à un révisionnisme par rapport à la position officielle de l'Iran à l'égard de l'Etat hébreu qu'il ne reconnaît même pas. Politiquement, c'est une défaite pour Ahmadinejad. Mais l'opposition pense que c'est juste une manœuvre tactique destinée à faire avaler la pilule de la réélection d'Ahmadinejad et partant faire fléchir la mobilisation autour de Moussavi et Karoubi. C'est du moins ce que croit le quotidien réformateur Aftab-e Yazd. La polémique autour de cette nomination ne viserait, souligne-il, qu'à « détourner » l'attention de la crise électorale. Une manœuvre tactique ? « Les partisans du gouvernement pensaient qu'ils pourraient étouffer les attaques (liées au processus électoral) contre celui qui a nommé Rahim Mashaie en multipliant les critiques contre cette nomination », peut-on lire dans un éditorial du journal, qui souligne que ce plan a échoué parce que les réformateurs n'ont jamais pris au sérieux la promotion de Rahim Mashaie. La preuve ? Les chefs de l'opposition iranienne ont demandé hier aux dignitaires religieux de mettre un terme à la « répression » menée par les autorités depuis les manifestations consécutives à la présidentielle contestée de juin. « Nous attendons de vous, les plus hauts dignitaires religieux, que vous rappeliez aux autorités les conséquences nocives du non-respect de la loi, et que vous les empêchiez de poursuivre la répression dans la République islamique », peut-on lire dans le communiqué signé des deux ex-candidats à la présidentielle, Mir Hossein Moussavi et Mehdi Karoubi, et de l'ancien président réformateur, Mohammad Khatami. Ce texte a été mis en ligne sur le site Ghalamnews de M. Moussavi et celui du parti de M. Karoubi, Etemad Melli. Les deux hommes n'ont pas raté l'occasion de condamner une nouvelle fois « le déroulement de la présidentielle, entachée de fraudes massives ». C'est une façon de maintenir la pression sur le régime et de ne pas focaliser sur la nomination polémique de Mashaie. Et, conscient de la gravité de la situation et du « déficit » de légitimité du nouveau gouvernement, le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a lancé hier un appel à « l'unité ». « Les développements de ces derniers jours ne devraient pas donner lieu à des différends », a-t il insisté dans son discours. Et d'ajouter : « Vous devriez tous travailler de manière fraternelle pour faire avancer la nation. Personne ne devrait lancer des accusations sans aucun fondement (…) Nous devrions laisser de côté nos divergences », a enjoint le guide à ses sujets. Mais il n'est pas sûr que ces leçons de morale soient bien reçues par Moussavi et ses soutiens.