Hakem Hamdane, ex-directeur régional à Sonelgaz, incarne désormais la vraie tragédie judiciaire. Souffrant d'une maladie respiratoire, il n'a pu survivre à une détention pour une affaire de surfacturation, après 40 ans de carrière. Lors de son procès à la cour d'Alger, il a été pris d'un malaise qui l'a emporté, jeudi dernier, avant même d'entendre le verdict prévu pour aujourd'hui. L'histoire de H. Hamdane est la parfaite illustration du recours abusif de la détention provisoire par les juges algériens, notamment quand il s'agit de cadres. Il est mort jeudi dernier à l'hôpital Mustapha d'Alger. Victime d'un malaise respiratoire, il a été évacué le 22 juillet en urgence d'une des salles d'audience de la cour d'Alger où se déroulait son procès. Il devait prendre sa retraite le 1er août prochain après 40 ans de bons et loyaux services à Sonelgaz. Tout a commencé avec une lettre de dénonciation signée par un cadre de l'entreprise, faisant état de surfacturation de la consommation d'énergie de grandes sociétés et administrations publiques telles que la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN), le Club des Pins, l'Office du complexe olympique (OCO), les chèques postaux et l'entreprise d'éclairage public EMA. La police judiciaire enquête rapidement et présente 4 cadres de l'entreprise et Hamdane, en tant que directeur régional de Bologhine, au parquet de Bab El Oued, territorialement compétent, qui place ce dernier sous mandat de dépôt et les autres sous contrôle judiciaire pour « faux, usage de faux et concussion ». Le 20 juin 2009, les cinq cadres passent devant le tribunal de Bab El Oued. Si les avocats de Hamdane plaident l'innocence, le parquet requiert 7 ans contre lui et 5 contre les autres prévenus, avant que le tribunal ne décide de relaxer ces derniers et de condamner le directeur à une année de prison. Le 19 juillet 2009, le jour même de l'anniversaire de Hamdane, l'affaire revient devant la cour et, à la surprise générale, la partie civile se retire du dossier arguant du fait que le mis en cause ne lui a pas porté préjudice. L'actuel PDG de Sonelgaz témoigne en faveur du prévenu et explique que la surfacturation n'est possible que lorsque les compteurs ne sont pas accessibles, ce qui pousse au recours à une somme forfaitaire qui peut être révisée à la demande de l'usager. Dans le cas en question, dit-il, les usagers ne se sont pas plaints et ne se sont pas acquittés de leurs dettes. Il n'y a donc aucun préjudice, conclut-il. Le prévenu, qui suit de près le procès, a des difficultés à respirer. Il fait l'objet d'un malaise, ce qui pousse la présidente à exiger des avocats d'être plus succincts. L'affaire est mise en délibéré et son verdict est annoncé pour aujourd'hui, 26 juillet. Mais Hamdane ne peut entendre la décision de la cour ni fêter, le 1er août prochain, son 60e anniversaire en dehors de la prison. Un autre malaise respiratoire le terrasse le 22 juillet pour l'emporter définitivement jeudi 23, provoquant un véritable choc au sein de sa famille et parmi ses collègues. Au-delà de la tragique fin de ce cadre de Sonelgaz, la mort de Hamdane suscite une lourde inquiétude parce qu'elle rappelle douloureusement le recours abusif par les juges à la détention provisoire, surtout quand il s'agit de cadres. Pourtant, de nombreux avocats, ligues et organisations des droits de l'homme et même la Commission nationale des droits de l'homme présidée par maître Ksentini, ont dénoncé cette pratique, devenue systématique au lieu d'exceptionnelle chez les magistrats algériens. De nombreux cadres ont vu leur carrière laminée, leur destin brisé à tout jamais après avoir été traînés devant les tribunaux. Certains d'entre eux se sont suicidés, d'autres, très affectés, sont morts dans les geôles avant même que la justice ne décide de leur sort. Combien de cadres ont été relaxés ou acquittés après avoir été traînés dans la boue et passé des mois, voire des années en prison avant qu'ils ne soient blanchis ? Hamdane n'a pas eu cette chance de voir la justice le réhabiliter. Au moment où le défunt sera enterré, aujourd'hui à Cherchell, la cour d'Alger va prononcer sa décision. Une tragique fin qui n'honore pas la justice, laquelle doit impérativement tirer les leçons qui s'imposent et mettre la lumière sur les circonstances qui ont fait que ce cadre « laisse » sa vie en prison.