La hantise des « blackscabs » se justifie face à la prolifération des « minicabs », des véhicules sans aucune originalité que l'on peut commander à l'avance. Les « blackcabs » sont synonymes de Londres, au même titre que Big Ben ou Buckingham Palace, mais, depuis 2002, une libéralisation du marché a fait naître les « minicabs », des véhicules sans réel signe distinctif, qui peuvent venir chercher le client n'importe où, à condition que celui-ci ait réservé la course au préalable, par téléphone ou par internet. Les « blackcabs » conservent cependant seuls le droit de répondre aux appels des piétons dans la rue. Les « minicabs », qui se vantent d'être moins chers que leurs concurrents, n'ont pas de compteur tarifaire, le montant de la course est fixé dès le départ en fonction du trajet. En quelques années, leur nombre s'est envolé : ils sont aujourd'hui 50 000, soit déjà deux fois plus que leurs concurrents historiques. « Qu'est-ce qu'on peut faire avec les ''minicabs'' ? Je pourrais vous le dire mais ça serait pas mal moyenâgeux. Les brûler, les couvrir de goudron et les exécuter sur la place publique... », lance un chauffeur de taxi « traditionnel » lors de sa pause thé. « On va finir comme les bus à impériale et les cabines téléphoniques rouges », ajoute un de ses collègues, en référence à deux autres emblèmes de Londres également menacés de disparition. Des dizaines de taxis noirs avaient manifesté leur mécontement en février, bloquant Trafalgar Square dans un geste de mauvaise humeur plutôt rare outre-Manche. Les taxis noirs avancent une certaine qualité de service : ils ont récemment été élus meilleurs au monde dans une étude internationale. Pour avoir l'honneur de rejoindre leurs rangs, il faut réussir un examen redoutable baptisé « La connaissance » qui nécessite des années d'études pour apprendre par cœur toutes les rues de Londres, les itinéraires les plus rapides en fonction de l'heure et du trafic, etc. Mais l'arrivée des navigateurs satellites permet aujourd'hui de faire le même travail, ou presque, en pressant quelques boutons. « Les taxis devraient faire attention, car s'ils n'évoluent pas, ils mourront », avertit John Griffin, fondateur-président d'Addison Lee, la plus importante compagnie de « minicabs ». Vantant sa modernité, Addison Lee a investi des millions dans un système sophistiqué qui envoie automatiquement à ses clients des textos les avertissant de l'arrivée de leur taxi. Et les « minicabs » comptent aller plus loin. Les autorités étudient la possibilité de leur permettre dorénavant de cueillir le client à la sortie des aéroports. C'est pour beaucoup de « blackcabs » la goutte qui fait déborder le vase. « On a manifesté en février, et, en parlant avec mes membres, je crois que si rien n'est fait rapidement, ça va se répéter. Peut-être sur une base quotidienne », menace Grant Davis, président du London Cab Drivers' Club, qui dit représenter environ 1 500 « black cabbies ». Transport for London, l'organisme chargé de gérer le système de transports londonien, essaie d'apaiser la grogne. Taxis noirs ou autres offrent tous un service « de haute qualité », estime l'agence. Steve Wright, de la Licensed Private Hire Car Association (LPHCA), qui représente les « minicabs », ne donne pas cher, quant à lui, de la peau de ses concurrents : « Je pense que beaucoup riront dans une vingtaine d'années quand on leur dira que, il n'y a pas si longtemps, il fallait aller dans la rue et appeler un taxi qui passait avec une lumière orange allumée. »