La crise financière a eu deux vertus. La première a été de sortir tous les fanatiques du marché de leurs rêves et de les convier à plus de pragmatisme. La seconde a été de pousser les dirigeants des pays occidentaux et de pays « émergents » à un examen de conscience et à la nécessité de revoir les règles du jeu en vigueur sur les marchés, de moraliser ces derniers et de renforcer leur surveillance. La cause première : les « subprimes » Pour doper leur croissance économique, les Etats-Unis ont recouru à une politique de taux d'intérêt faibles (qui a, par ailleurs, détourné une partie de l'épargne vers l'investissement boursier). Les banquiers américains ont alors usé de taux d'intérêt faibles (mais variables et majorés de primes), pour financer sans mesure les achats de biens immobiliers, en faisant le pari insensé sur l'impossibilité d'un retournement à la baisse du marché. Encouragés par une distribution généreuse de bonus voire par la cupidité, ils ont, avec la complaisance ou l'indulgence des agences de notation et des instances de supervision, versé dans une gestion exécrable, voire irresponsable du risque : non contents de faire bénéficier du crédit immobilier des populations à faible revenu, ils ont « inventé » les prêts « ninja » (no income, nor job or asset ), c'est-à-dire des prêts (s'étant avérés « toxiques ») à des personnes sans revenu, ni emploi ou patrimoine, ne présentant aucune garantie (hormis l'hypothèque du bien acquis). C'était sans compter avec le marasme du marché survenu à l'arrivée à terme d'un vaste programme de constructions et au moment où, du fait d'une forte majoration du coût du crédit, des millions d'habitations de débiteurs défaillants ont été saisies (après expulsion de leurs occupants pour être mises en vente au profit des institutions financières créancières. Avec les dix millions de défauts de remboursement attendus au cours des deux années à venir, la source première de l'actuelle récession est loin d'être tarie (et devrait retenir l'attention de la nouvelle Administration américaine, réputée plus « sociale » que celle dont le mandat s'achève). Le non-recouvrement de crédits immobiliers, la mévente des habitations saisies ou leur cession à des prix dérisoires ont certes généré au moins un grave problème de liquidité aux banques créancières, mais également à tous les établissements financiers (compagnies d'assurances incluses) leur ayant racheté une partie des créances hypothécaires. Car pour reconstituer leur trésorerie, il est courant que les banques ayant consenti des crédits (garantis par des hypothèques) en vue de l'acquisition de biens fonciers, titrisent ces créances et les cèdent à d'autres institutions financières. Ce marché du refinancement hypothécaire (dont l'existence est parfois dénoncée de nos jours) est relativement opaque : les organismes, acquéreurs de créances hypothécaires, n'ont aucune connaissance du débiteur, du risque qu'il représente, mais la prospérité de ce marché a été telle que l'ingénierie financière l'a étendue à d'autres créances. La débâcle des « subprimes » a contaminé des banques et institutions financières de nombreux pays qui ont, la globalisation financière aidant, opéré, directement ou non, sur le marché hypothécaire américain. Les turbulences boursières et la récession Suivant le cas, le non-recouvrement de prêts hypothécaires a entraîné au niveau des établissements financiers, au sens large : soit des tensions, surmontables ou temporaires, au niveau de la liquidité, de la rentabilité ou de la solvabilité ; soit des situations de détresse, de faillite (Northern Bank en Grande- Bretagne, la bancassurance belgo-hollandaise Fortis, City Bank et la compagnie d'assurances AIG aux Etats-Uni, Kitfinances et Globex en Russie, etc.) ayant parfois suscité des interventions externes de sauvetage ; dans d'autres cas, il est arrivé que l'organisme financier (à l'instar de la banque d'affaires Lehman Brothers) soit abandonné à son triste sort, soit emporté par les mécanismes du marché et mis en liquidation. L'inquiétude soulevée par cette crise, qui a entraîné d'importantes vagues de licenciements dans le secteur financier, s'explique : les institutions financières (banques incluses) ne sont pas des entités commerciales comme les autres, l'effondrement de l'une d'entre elles est presque toujours à la fois un risque systémique et un séisme économique et social, dont la sévérité dépend de sa notoriété et de l'étendue de son implantation. Malgré les actions de secours concoctées, un peu partout dans le monde, les pertes subies par de grandes institutions financières et le tarissement relatif de leur liquidité au Japon, aux Etats-Unis, etc. n'ont pas été : sans l'émoi d'épargnants ordinaires leur ayant confié leurs économies sous forme de simples dépôts ou de missions de gestion de fortune ; - sans l'éclosion d'une extrême prudence, d'une méfiance sur le marché monétaire où une banque, par exemple, ayant des excédents ponctuels de trésorerie les avance, à très court terme, à une autre banque, enregistrant un besoin passager de trésorerie. Pour faire face à leur manque de liquidité, les institutions financières – au sens large – ainsi que d'autres acteurs boursiers, soucieux de sécuriser leur patrimoine sous forme liquide : 1- se sont mis à vendre simultanément leurs actifs immobiliers ou financiers pour tenter de reconstituer leur trésorerie. Cette démarche spontanée n'a pas amélioré la situation du marché immobilier, d'une part et a fait chuter les cours boursiers à Tokyo, Bombay, Budapest, Shangaï, Bahrein, etc., d'autre part. Cette chute a été d'autant plus drastique qu'elle a été précédée, ces derniers mois, par une spéculation effrénée, hissant les cours boursiers à des niveaux impressionnants, sous l'effet des masses de fonds investis, de la non-régulation de certains intervenants, de la manipulation frauduleuse des informations, etc. Ainsi, des millions de particuliers paniqués, des fonds de pension (ayant fait la part belle aux actions dans leurs placements), des fonds d'investissement, des « hedge funds », etc. ont liquidé leurs positions en Bourse pour se rembourser ou rembourser leurs adhérents ou, plus précisément, pour récupérer le maximum de fonds avant une décrue plus profonde du marché ; à titre d'exemple, des « hedge funds » ont subi des pertes pour avoir vendu précipitamment les actions Volkswagen, spéculant à tort sur leur dévalorisation. Les actions des entreprises de l'Europe de l'Est, les titres de Sociétés d'investissement à capital variable (Sicav), de « foncières » et de firmes industrielles européennes (Arcelor Mittal, Michelin, etc.) sont celles qui se sont dévalorisées le plus, à Paris, alors que les obligations d'Etat, regardées comme des valeurs refuge, ont mieux résisté. Par ailleurs, des entreprises prospères ont été sous-capitalisées en Bourse à la suite de la fonte du cours de leurs actions, démontrant – une fois de plus – la déconnection de l'économie financière moderne de l'économie réelle ; 2- ont diminué et renchéri l'offre de crédit aux entreprises (parfois par simple crainte de leur défaut) ; de tels développements ont également touché le crédit documentaire (érigé abusivement en produit « toxique ») et, donc, le commerce international ; 3- ont gelé des investissements quand ils n'ont pas désinvesti, obscurcissant davantage l'horizon économique. La Banque mondiale a déjà relevé que le flux des investissements directs internationaux a commencé, dès 2007, à régresser. Faute de prêts pour financer la production et l'investissement d'un côté et soutenir la demande de l'autre côté, des entreprises ont dû recourir à des fermetures temporaires de leurs portes, à du chômage technique et à de fortes compressions d'effectifs adossées parfois à des délocalisations. Il en a été ainsi dans la branche automobile européenne, où 60% des ventes dépendent des prêts bancaires, alors qu'aux Etats-Unis, les « big three », les « trois grandes » ( General Motors, Ford et Chrysler) sont en proie à une situation financière critique. Si l'actuelle Administration américaine hésite, au nom de son credo libéral, à les secourir efficacement, le président élu a annoncé sa volonté de participer au redressement de ces entreprises, employant deux millions de personnes. Parallèlement, des milliers d'entreprises ont, purement et simplement, déposé leur bilan, dégradant davantage et brutalement le marché du travail et, par conséquent, le pouvoir d'achat de la population et la demande globale de produits domestiques et importés (comme les hydrocarbures). Le déclin de cette demande a amplifié la contraction de l'offre, de la production et de l'emploi. La dynamique de la récession (caractérisée par un recul du produit global et du volume de l'emploi) et du ralentissement de l'inflation, voire de la déflation a bel et bien été mise en mouvement, n'épargnant aucune économie du fait des interdépendances, des liens, plus ou moins denses, tissés par la mondialisation, le libre-échange. Surgie aux Etats-Unis, la récession s'est étendue au Japon, à l'Europe et aux pays « émergents », comme la Chine qui a enregistré l'effondrement de ses exportations industrielles qu'elle cherche à redresser unilatéralement par une dévaluation du yuan (qui constitue une fausse note dans la panoplie des actions convergentes adoptées par les autres pays). Les pays en développement sont globalement sortis indemnes de la crise financière internationale courante quand leur système financier n'est pas articulé (par exemple, par le protectionnisme cambiaire, le contrôle des changes) à celui des grandes places. Toutefois, leurs réserves de changes ont, peut-être, été érodées par l'éventuelle insolvabilité d'une institution étrangère dépositaire et/ou par l'instabilité du marché des changes. Quant à la récession économique, elle a commencé à leur être transmise par le biais de la réduction de l'aide étrangère et des remises de leurs nationaux émigrés, le déclin de l'investissement international, la baisse des prix et des quantités des produits primaires ou manufacturés exportés. C'est ainsi que l'affaissement du prix et des volumes de pétrole exportés forment les canaux par lesquels la crise du secteur réel des pays consommateurs frappe – en dépit d'une certaine appréciation du dollar – les économies de l'OPEP, sans que cette institution ne paraisse capable d'opposer, de façon ordonnée et crédible, à l'amoindrissement de la demande internationale de pétrole une baisse conséquente de l'offre, des exportations des Etats membres (l'expérience démontrant, en effet, que les récessions ramollissent la cohésion des cartels). S'agissant de l'Algérie, la réduction de sa production exportable, de son quota favorise le ralentissement de la croissance économique puisque celle-ci est, entre autres, tirée ces dernières années par la branche des hydrocarbures. Quant à la forte baisse des revenus pétroliers, induite notamment par la plongée des prix, elle n'affecte, pour l'instant, que le taux de reconstitution des réserves de changes et du fonds de stabilisation des recettes. Si cette chute devait se poursuivre et durer, le niveau de la dépense publique ne pourra être maintenu qu'en puisant grandement dans ce fonds de stabilisation, à moins que la puissance publique ne décide d'aller vers des révisions – toujours déchirantes – des programmes d'équipement au prix de la contraction de l'activité économique (spécialement du BTPH, autre tracteur de l'actuelle croissance économique), d'une multiplication des défauts de recouvrement des prêts bancaires, d'une extension du chômage et du déclin du pouvoir d'achat et de la demande (facteur nourrissant la crise). Le FMI (qui se plaignait, il n'y a pas si longtemps, d'une sous-activité) voit arriver brusquement à sa porte une cohorte d'Etats-membres dont les avancées en matière de stabilité macro-économique ont été fragilisées (dépréciation du cours de leurs monnaies, déficit de leurs payements extérieurs, etc.) par la retentissante crise survenue aux Etats-Unis. Aux côtés de la Hongrie, de l'Ukraine et de l'Islande, d'autres pays (Afrique du Sud, Albanie, Pakistan, Pologne, Mexique, etc.) ont demandé ou sont sur le point de demander l'assistance conditionnelle du FMI. Les réactions publiques : la résurrection du keynésianisme Des économistes ulra-libéraux ont préconisé, comme en 1929, au nom du mythe de l'auto-régulation du marché, de laisser celui-ci jouer sa fonction de « décantateur automatique » du système économique et financier, en éliminant les entités en situation de naufrage, subissant des pertes intenables et en ouvrant de nouvelles opportunités aux autres. Cette idéologie (contre laquelle s'est insurgé J.M.Keynes, dans les années 1930, celles de la Grande dépression, pour sauver le capitalisme de ses excès), a, face à l'effondrement de la banque Lehman Brothers, inspiré – en partie – la passivité du Trésor américain, passivité ayant, en septembre 2008, plongé le monde de la finance dans la tourmente. Mais cette attitude hostile a été heureusement vite rectifiée quand ce même Trésor a, entre autres, recapitalisé Freddie Mac et Fannie Mae (dont les titres sont détenus, à concurrence de plus de 2000 milliards de dollars, par des banques américaines et étrangères). En réalité, peu de gouvernements contemporains pourraient se targuer d'un courage politique tel qu'ils s'abstiendraient d'interférer, au prix d'un sous-emploi massif et d'une grande colère sociale, dans le fonctionnement (ou le dysfonctionnement ) des marchés. Après une large concertation internationale (procédant du multilatéralisme, consécutif à la crise de 1929 et à ses conséquences économiques et militaires) au sein de l'Europe, entre celle-ci et les Etats-Unis et l'Asie, des réactions publiques « contracycliques » similaires se sont manifestées, ici et là, en s'inspirant des enseignements keynésiens. La Grande-Bretagne a donné le ton et servi, dans certains cas, de « modèle ». Elle n'a pas hésité à user de nationalisations « temporaires » mais salvatrices de banques et a mis en place un système de garantie étatique de prêts interbancaires ; de plus, contrairement à d'autres pays, elle a sollicité les apports de fonds souverains arabes pour renflouer des institutions financières (comme le London Stock Exchange ou la Barclays Bank), ces fonds bénéficiant d'une non-imposition au titre de « l'immunité monarchique » et ne s'immisçant que timidement dans la gestion des institutions contrôlées. Par ailleurs, en plus des allégements fiscaux destinés à renforcer le pouvoir d'achat de la population et la consommation, la dépense publique a été mise à contribution à travers le lancement ou le renforcement de grands programmes de travaux publics ou de commandes aux industries d'armement. Le Japon et la Chine ont, à la satisfaction des marchés boursiers, conçu des programmes similaires de relance économique, de soutien de la demande (une posture envisagée par le nouveau président américain et l'Union européenne). Après avoir pris une participation majoritaire dans la Banque cantonale de Genève (BCG), les pouvoirs publics helvétiques ont consenti à l'Union des Banques Suisses (UBS) un prêt considérable convertible, le cas échéant, en actions. Dans divers pays (Belgique, France, etc.), le dispositif de garantie public des crédits interbancaires a été introduit. La France a, à travers une entité, nouvellement créée (la Société de financement de l'économie française-SFEF) par le Trésor et des banques, entendu faciliter le refinancement des établissements consentant des crédits aux entreprises de production de biens et services ; trahissant des relents de protectionnisme, elle a aussi établi un fonds souverain destiné à acheter les titres de sociétés françaises viables en difficulté et empêcher qu'elles ne tombent entre les mains d'investisseurs étrangers. Enfin, se démarquant de la Grande-Bretagne, le Trésor français a fourni plus de 10 milliards d'euros à des banques, à l'aide de « titres subordonnés à durée indéterminée », forme originale de recapitalisation ne lui conférant ni la qualité d'actionnaire, ni le droit à des dividendes ou à un regard sur la gestion ; toutefois, le Trésor français surveille, y compris au niveau local, des départements, par le biais de reportings mensuels, le degré d'engagement des banques dans le financement de l'économie et, plus particulièrement, des PME. Aux Etats-Unis, le Parlement a voté le « Troubled Asset Relief Program » autorisant, outre une garantie des prêts interbancaires par le Trésor, des rachats par celui-ci de créances douteuses ou d'actions d'institutions financières (sans implication dans leur gestion, sous réserve que leurs dirigeants restreignent leur rémunération) ; après avoir privilégié, pour des raisons idéologiques, le rachat de créances aux lieu et place de la nationalisation partielle, l'Administration américaine s'est ravisée, s'est tournée vers cette dernière, pour mieux contrôler la gouvernance des institutions concernées ; elle a, de ce fait, investi 40 milliards de dollars dans les actions de la compagnie d'assurances AIG qui doit toiletter son bilan – dominé par des opérations de banque – en localisant ses créances « pourries » auprès d'une entité ad hoc, d'une entité de « defeasance ». Enfin, les Etats-Unis ont relevé le seuil de garantie des dépôts bancaires de 100 000 à 250 000 dollars alors que l'Irlande a été jusqu'à les garantir à 100%. Pour fournir de la liquidité aux banques, l'Espagne a opté pour le rachat de leurs crédits hypothécaires sains. Ces efforts financiers sont déployés par les Etats au détriment de la sacro-sainte règle libérale de l'équilibre budgétaire. En Europe, même les pays signataires de l'accord de Maastrich ont convenu de geler l'obligation que leur dicte ce dernier, de limiter leur déficit budgétaire éventuel à moins de 3% du produit global. Pour faire face à leurs engagements, les Etats envisagent d'émettre des titres et d'emprunter, mais le marché craint qu'il ne s'agisse de « junk bonds », de titres « pourris », de « rossignols » au remboursement hypothétique, incertain à même de refroidir les prêteurs potentiels. De plus, les Etats ne peuvent pas tout faire et fonctionnent aussi sous une contrainte relative de ressources : leurs capacités financières sont dérisoires au regard des sommes, argent sale compris, circulant sur les marchés. Ainsi, l'Irlande, en garantissant les dettes des institutions financières, a fourni une caution démesurée, dépassant deux fois son produit global ; par conséquent, la notation du risque qu'elle représente est susceptible d'être revue à la hausse, de sorte que ses émissions de titres pourraient avoir du mal à trouver acquéreurs. Dans ces circonstances où la dépense publique est sollicitée de toutes parts, il est permis de penser que la « faillite », au sens d'une cessation de payements de pays développés – moteurs de l'économie mondiale – pourrait devenir un phénomène non exceptionnel : l'Islande a peut-être ouvert une telle perspective. Parallèlement, les banques centrales ont pris trois mesures importantes pour stimuler le crédit à l'économie réelle et prévenir ou combattre la récession : 1.l'injection, dès 2007, en Europe, aux Etats-Unis, etc. de sommes colossales sur les marchés interbancaires (sans se soucier du risque inflationniste) ; 2.l'abaissement répété du taux de réescompte par la Banque nationale Suisse, la Banque centrale européenne, etc. ; les taux d'intérêt modiques sont susceptibles de réactiver l'investissement boursier, une fois la confiance rétablie ; 3.l'ouverture de crédits à moyen terme en faveur d'institutions financières : la Federal Reserve Board, par exemple, a accordé des crédits de l'ordre de 450 milliards de dollars à Freddie Mac et Fannie Mae (organismes mis sous contrôle judiciaire) et a même pris en pension des créances à court terme d'entreprises non bancaires. Quant au niveau multilatéral, il y prédomine une triple détermination : 1.refonder le système monétaire international autour d'un FMI renforcé car, selon P. Lamy, les « deux trous noirs » de la gouvernance internationale sont les migrations et la finance. Certains Etats souhaiteraient faire du FMI le « superviseur des superviseurs nationaux » heurtant les penchants hégémoniques des Etats-Unis, non disposés, comme au début des années 1940, lors des négociations en vue de créer le FMI, à renoncer à la prééminence du dollar et à la notoriété de Wall Street ; l'Institut international de la finance (qui rassemble les grandes banques de 70 pays) a proposé, de son côté, l'introduction d'un organisme de coordination des politiques de régulation ; 2.durcir et harmoniser les règles et normes prudentielles ainsi que la supervision, aux niveaux des institutions financières, des Bourses et des agences de notation (accusées de laxisme), cette posture visant aussi les paradis fiscaux. Mais certains pays, comme la Grande-Bretagne, ont déjà exclu toute idée de sur-régulation ; 3.enfin, reformuler certaines normes comptables internationales et en généraliser l'usage aux Etats-Unis, notamment. Ces normes imposent, entre autres, aux banques européennes de comptabiliser leurs actifs à leur « juste valeur », telle que découlant du marché ; en évaluant leurs actifs financiers, par exemple, au cours boursier, en chute libre et volatil, les institutions financières, banques comprises, ont quasiment enregistré une contraction significative du montant de leur portefeuille, synonyme de lourdes pertes comptables les exposant, à une sanction additionnelle par le marché ; à titre d'illustration, l'assureur Swiss Life a subi des pertes du fait d'une souscription d'obligations d'organismes financiers insolvables et de placements dans des « hedge funds » (dont le patrimoine s'est détérioré). A l'automne 2008, la Commission européenne s'est résolue à proposer une norme autorisant les entreprises à loger leurs actifs dans un compartiment du bilan où ils sont estimés à leur valeur économique (ignorant le marché) ; cette démarche a été endossée par le G 20, décidé à réviser certaines normes comptables et d'en universaliser l'emploi. Observations Des économistes ont prétendu que la déréglementation, la libéralisation financière a débuté lorsqu'en 1973 les Etats-Unis avaient annoncé que le taux de change du dollar serait, à l'avenir, libre, fixé par le marché. Toutefois, si on devait chercher l'origine de la dérégulation, on pourrait la trouver – également – dans l'apparition, il y a une quarantaine d'années, à la City de Londres du marché de l'euro-dollar (ayant fait des émules à Singapour et ailleurs), véritable marché monétaire international, non régulé, non surveillé et faisant le bonheur, entre autres, des capitaux sales dissimulés dans les paradis fiscaux. Bien qu'il y ait aujourd'hui une détermination à mieux encadrer les marchés financiers et que les ventes à découvert, les ventes à terme de ce que l'on ne possède pas viennent d'être mises à l'index, il y a cependant peu de chances qu'il y ait un consensus sur l'interdiction des produits financiers « toxiques », conçus par des organismes qui spéculent pour spéculer au risque d'une manipulation de tous les marchés, indépendamment des fondamentaux de l'économie réelle ; la dérive du prix du pétrole, atteignant en valeur nominale des cimes historiquement élevées, en juillet dernier, en dépit de l'équilibre constant entre l'offre et la demande physiques de ce produit est une bonne illustration de la folie du marché financier. Si les germes de la présente crise ne sont pas près d'être éradiqués, il faut, toutefois, espérer qu'aucune opération ou institution financière n'échappera, à l'avenir, ni à la réglementation ni à une forte supervision. De plus, force est de signaler que certains analystes, se référant à l'industrie automobile, ne voient rien d'autre, dans la récession mondiale et la déflation d'aujourd'hui, qu'une forme d'assainissement, dans les pays industrialisés, d'une situation de surproduction structurelle, voilée par le surendettement des ménages (vivant au-dessus de leurs moyens). Enfin, il convient d'abandonner certaines idées en vogue relatives au déclin de la puissance économique et technologique américaine : l'onde de choc provenant des Etats-Unis n'a pas tardé à secouer le reste du monde ; cette capacité d'entraînement démontre que ce pays est resté, pour le meilleur et pour le pire, le moteur principal de l'économie mondiale.