Le comédien Rachid Akbal entame le troisième et dernier volet de sa trilogie algérienne avec Alger terminal 2 qu'il a présenté en avant-première pour une unique séance à Avignon, avant sa création en février prochain. Avignon. De notre envoyé spécial Il y a quelques années, le comédien algérien Rachid Akbal avait décidé de se tourner en plein dans l'oralité. Cela donna un conte, paradoxalement rude et doux, sur le giron maternel, intitulé Ma mère l'Algérie. Directeur artistique de la compagnie Le temps de vivre, il empruntait alors son art scénique à divers registres féconds : théâtre classique et contemporain, récit, conte populaire, poésie… Emouvant dans cette histoire, il rappelait depuis le fécond spleen de l'exil, au féminin, l'histoire de ses ancêtres, et la vie difficile mais souriante de l'Algérie d'antan. Il continua par la suite avec un deuxième bouleversant témoignage, celui du père. Cela donna Baba la France, créé en 2007, qu'il a donné encore avec succès au théâtre La Luna à Avignon, durant ce mois de juillet 2009. Il fait là œuvre de comédien époustouflant, de danseur virevoltant, d'humanisme encourageant. L'expression est ici à son paroxysme pour rendre hommage aux « pères », sinon à son propre père immigré en France dans les années 50. Au début du one man show, un homme part à la recherche de l'endroit idéal où il pourra enterrer le souvenir de son père, disparu sur une route de France pendant la guerre d'Algérie du fait de son engagement avec le FLN. A partir de cette simple et douloureuse ébauche, il va se souvenir de cet Algérien « indigène », qui a rejoint la « mère patrie » en1948. La mémoire tendre et heureuse se juxtapose aux éléments plus durs d'une histoire qui a heurté tant d'Algériens, et leurs descendants. Violent, drôle malgré tout par bribes, onirique parfois, le jeu de Rachid Akbal fait ressurgir un passé enfoui. Le texte, co-écrit avec Caroline Girard vient de paraître en France aux éditions Acoria, dirigé par Caya Makhelé, présent à Alger lors du Panaf' (lire entretien dans El Watan du 15 juillet 2009). Dans le troisième volet à venir Alger Terminal 2, le personnage de Baba La France, Kaci, rentre malgré lui au pays, après 25 ans d'absence, pour chercher une femme à son fils plongé et figé dans la pratique musulmane. Bloqué à l'aéroport d'Alger, il organise des rencontres avec des filles voilées de sa famille… A partir de cette situation, le personnage part dans des digressions sur ces années algériennes de jeunesse. Il se souvient des arbres qu'il était allé planter lors de son Service national. Un épisode de la jeune Algérie aujourd'hui oublié, comme l'élan juvénile qui l'animait alors. Dans cette mémoire qui se déploie, il y aussi l'interdit, qui prend le visage d'un amour de jeunesse, la jeune Aicha, prostituée. Dans ses recherches il apprend qu'elle a été tuée lors d'un massacre pendant les années de terrorisme, en 1997. L'Algérie est-elle à bout de souffle, alors que la démocratie n'a pas rempli toutes ses promesses après des décennies de fermeture ? C'est là toute l'interrogation doucereuse sur l'évolution d'un pays, l'amour qu'on lui porte, ses impasses et les ouvertures espérées. Une œuvre tellement utile. Ce spectacle est la promesse que la parole reste vive.