Le comédien Rachid Akbal était à Avignon avec deux créations. Ma mère l'Algérie et Baba la France sont deux odes au pays. L'Algérie a été finement représentée à Avignon avec Rachid Akbal. Conteur, comédien, metteur en scène d'origine algérienne, il est à la tête de la compagnie théâtrale Le temps de vivre, de Colombes (France). Avignon : De notre envoyé spécial Après des années de métier, il fait désormais partie de la nouvelle génération de conteurs qui, sans renier la tradition, veut tracer son propre chemin dans l'immensité et la fécondité de l'imaginaire. Il y met une touche personnelle avec beaucoup de tendresse et d'émotion. Au festival d'Avignon, il était présent avec Ma Mère l'Algérie, un cri d'amour « pour ma mère terre, pour son ventre fécond que je cherche, sur les chemins où je marche en déséquilibre, chargé par un héritage encombrant ». Curieusement, il a donné cette pièce, grâce aux centres culturels français, au Québec, en Australie, à Cuba, en Tunisie, en Libye, en Egypte, en Jordanie, Syrie et Liban, mais pas encore en Algérie. « J'ai été contacté par la Bibliothèque nationale d'Algérie, mais il n'y a pas eu de suite. » Son autre spectacle est un hommage au père. Dans Baba la France, il s'appuie sur sa propre histoire familiale, celle de son père parti en France en 1948, et celle de son oncle, mort lors des événements parisiens en 1961. « Je voulais parler d'une petite histoire dans la grande. » « Le destin d'un homme, un émigré d'Algérie qui part vers la France en rêvant à des jours meilleurs et qui tombe dans une période de guerre. » Rachid Akbal, qui conte si bien ses racines et celles des siens, a très peu vécu en Algérie, hormis lors de vacances, et pendant le service national : « Je suis allé planter des arbres, à l'époque du barrage vert . » A son retour, il revient à ses premières amours pour le théâtre, un virus qui l'avait atteint dès l'adolescence : « J'ai fait le conservatoire, puis je suis devenu comédien, dans des films, et puis il y une dizaine d'années, j'ai commencé à immigrer vers le champ de l'oralité. » Là, nous explique-t-il, il devenait « une perle rare. On me demandait de raconter des choses de chez moi. C'était un peu folklorique, mais j'ai creusé, trouvant dans l'oralité la possibilité de parler de choses plus sérieuses qu'on ne l'imagine. » Dans Baba la France, c'est clairement affiché. La guerre, l'indépendance, l'immigration : « On a la parole. On est les enfants de parents privés d'expression. Je dois dire les mots que me dicte mon père et enlever la main qui nous obscurcit les yeux. » Pour dire quoi ? « Des choses qui me semblent essentielles. La guerre d'Algérie par exemple. C'est à nous de parler de ce qui s'est passé ici dans l'émigration. On parle beaucoup de la rafle du Vél'd'Hiv, mais octobre 1961, c'est une grosse tragédie, une blessure terrible, arrestations, interrogatoires, torture, meurtres. On doit en parler, solder, puis on pourra passer à autre chose. La société française, elle, a besoin qu'on le dise, et c'est à notre génération de le faire. » Une tâche pas mince, tant il reste des pages à écrire !