Si on a du mal à échapper au foisonnement du festival de théâtre off d'Avignon, son pendant officiel, le « in », est beaucoup plus discret. Près de 1000 spectacles pour le festival parallèle contre à peine une trentaine pour le « in », la différence est écrasante. Avignon. De notre envoyé spécial La cité des Papes, depuis le 8 juillet, est envahie par l'exubérance des créateurs de tous les styles, « descendus » en Avignon pour se faire connaître. Nulle part des spectacles peuvent tenir comme ici plus de 25 jours d'affilée à l'affiche. Et c'est bien ce que cherchent les artistes, jeunes ou moins jeunes : une vitrine durable. C'est aussi ce que vient trouver le public, de plus en plus nombreux à se précipiter dans cette capitale internationale incontestée du théâtre. La plus grande scène du monde ! Les superlatifs ne manquent pas pour qualifier l'événement. Pourtant, on avait craint cette année une certaine désaffection en raison de ce que les médias nomment comme un sobriquet « les effets de la crise » ! Faux, les pronostiqueurs ont eu tout faux. Ainsi, lors du long week-end du 14 juillet, fête nationale en France, les salles ont affiché complet et ont même refusé du monde. Dans certaines salles, pour ne pas perdre ces spectateurs potentiels, même les personnes qui avaient réservé devaient se présenter une demi-heure avant le début de la représentation. Au-delà, on puisait déjà sur les listes d'attente. On a vu des personnes réservées se voir refuser l'entrée alors qu'elles étaient arrivées cinq minutes avant le spectacle. C'est l'un des effets pervers de la rançon du succès. Cet engouement appelle, ici en Avignon, plusieurs conclusions. Marie-Josée Roig, maire d'Avignon (UMP, majorité présidentielle), le dit elle-même : « Le milieu du spectacle vivant ne cesse d'entreprendre malgré les difficultés de l'époque. Il démontre ainsi sa volonté d'affirmer ses ambitions et de les concrétiser. Il est clair que le voyage à Avignon n'est qu'une étape, mais chacun est conscient qu'elle peut être décisive dans la vie d'une compagnie. » Vincent Baudriller, codirecteur du festival « in », pense que le « théâtre explore bien d'autres endroits où ne s'aventurent ni le cinéma ni la télévision ». Ce qui explique l'attirance pour ce mode d'expression. Il est vrai que d'année en année depuis plus de 60 ans, le festival est un lieu ouvert à tout, introuvable ailleurs. Dans ce « in » cette année, le Libanais Wajdi Mouawad côtoie le très controversé cinéaste et metteur en scène Amos Gitaï, contesté en Israël pour son ouverture d'esprit très humaniste. Quant au « off », le président André Benedetto, qui ne savait pas qu'il signait son dernier édito, écrivait, avec toujours sa liberté de parole : « On peut se demander si l'apparent désordre du OFF n'est pas en fait l'aspect que prend la recherche mouvementée d'un ordre un peu moins strict, plus harmonieux… pas seulement pour le théâtre mais pour le monde entier. » Optimiste et toujours volontariste, le comédien, décédé d'un accident vasculaire dimanche 12 juillet, gardait son mordant : « Aucun mythe semble ne plus pouvoir servir à personne, sauf par vieille habitude ! Ni aucune légende ! Le théâtre est partout, il se mêle de tout. » Et là, effectivement, le public n'a que l'embarras du choix avec 985 spectacles recensés pour plus d'une centaine de lieux. On peut être décontenancé, mais avec le formidable catalogue de presque 400 pages, il suffit de se laisser aller à son intuition, ce que font les milliers de spectateurs qui se pressent à Avignon jusqu'au 28 juillet. Ce serait peine perdue, en quelques lignes, d'aborder la diversité et l'internationalisme des productions. Il suffit de se laisser guider par son instinct de découvreur. Pour cela il y a de la belle matière !