Cette pensée devrait être rappelée avec force à ce pasteur américain qui a, longtemps avant d'y renoncer, menacé de brûler le Coran. Elle devrait être rappelée aussi aux extrémistes de toutes les religions qui, hélas, «foisonnent» aujourd'hui. On pourrait aussi enseigner dans les écoles du monde entier cette phrase (prémonitoire) du poète et journaliste allemand du XIXe siècle, Heinrich Heine : «Là où l'on brûle les livres, on finit par brûler les hommes». Si l'humanité aujourd'hui est rongée par une incertitude profonde, provoquée par la globalisation économique, la porosité des frontières, l'interprétation des cultures et des traditions liées aux flux migratoires et aux techniques de communication, je demeure convaincu que dans ce climat de turbulence, les religions ont toutes un potentiel de générosité, de sagesse et un sens éthique de transcendance capable de créer un lien solide entre les hommes, au-delà de leurs différences. Si les croyances, les dogmes et les systèmes philosophiques et métaphysiques divisent les hommes, je crois fermement qu'il y a une éthique pragmatique universelle possible qui leur permet de vivre ensemble. Cette éthique de l'agir commun est donc possible. Le dialogue interculturel et interreligieux relève avant tout d'une éthique de l'altérité et de la rencontre. Nous sommes tous en définitive des humains appartenant à une grande et même famille. Nous sommes différents éthiquement, linguistiquement, religieusement, et c'est ce qui fait notre richesse. D'ailleurs, le Coran nous invite à nous rencontrer : «Nous vous avons créés à partir d'un homme et d'une femme et nous avons fait de vous des peuples et des tribus afin que vous vous connaissiez mutuellement…» (49:13). Le Coran est basé sur les concepts de la bonne moralité, de l'amour, de la compassion, de la miséricorde, de l'humilité, du dévouement, de la tolérance et de la paix.Un musulman qui vit selon ces préceptes moraux est raffiné, tolérant digne de confiance et obligeant. Il offre l'amour, le respect, la paix et une joie de vivre à ceux qui l'entourent. Si l'Occident doit comprendre l'Islam, ce n'est pas parce qu'il constituerait la prochaine «grande menace», comme le prétendent les néoconservateurs d'outre- Atlantique, mais parce qu'il «contient beaucoup de valeurs morales que l'Occident a perdues de vue». La frénésie de la modernité a conduit beaucoup d'Occidentaux à se vanter d'être des hommes de l'avenir au seul motif qu'ils ont renié leur passé. A force de proclamer que Dieu est mort, l'homme moderne s'est convaincu qu'il est le seul dieu. Malgré cet orgueil incommensurable, ce dieu est pâle et terne puisqu'il est tout entier tourné vers une activité sans fin, absorbé par les seuls appétits matériels, engagé dans une course effrénée vers le néant, aveuglé par de vains divertissements qui le font arriver insensiblement à la mort. C'est pourquoi, l'Islam est «un message dont les Occidentaux ont tant besoin eux qui ont tant perdu le sens de Dieu». Ce lucide constat d'un prêtre catholique, Michel Lelong, permet d'affirmer qu'en ayant su préserver la position centrale des valeurs morales comme caractère essentiel de la société humaine, l'Islam peut contribuer à la renaissance de ces valeurs dans un monde menacé par la globalisation matérialiste. Les esprits éclairés des deux grandes religions rappellent que les problèmes sont communs : la sortie de la religion de la vie, l'équilibre dans la cité entre le spirituel et le temporel, une meilleure connaissance des autres favorisant le respect tolérant des diversités, la préservation des valeurs face aux impératifs du marché mondialisé. Dans ces conditions, un dialogue des civilisations constructif et ambitieux est une ardente obligation. C'est donc à une alliance des religions et à une diversité culturelle que la communauté internationale devra œuvrer pour une meilleure compréhension des idées, des valeurs dominantes de l'époque contemporaine, soucieuse de la coexistence pacifique. Ce dialogue ne doit pas être un slogan, mais prendre une forme concrète : l'action commune pour construire un monde qui retrouvera une signification spirituelle pour ne pas devenir une termitière uniformisée, avec ses «vertus de robots».(Bernanos Georges / La France contre les robots). La question que nous devons nous poser est la suivante : que reste-t-il de l'homme quand on rejette l'humanisme, les principes éthiques les plus constants et tout projet de civilisation.Le monde a besoin de civilisations fortes et fermes, et loin d'être condamnées à s'affronter avec acrimonie, celles-ci ont l'ardente obligation de coopérer pour faire prévaloir l'humanisme face à la violence et la haine. Je souhaite vivement que musulmans et chrétiens travaillent à l'avenir ensemble dans les domaines comme la liberté religieuse, la liberté de conscience, le refus de l'exclusion, la promotion d'un vrai service de l'homme, le dialogue des cultures, la promotion mondiale des valeurs humanistes, etc. Références : – Alliance des civilisations Abdehak Azzouzi – Revue internationale stratégique Le monde occidental est-il en danger ?