Le président nigérien veut organiser un référendum sur la révision de la Constitution qui lui permette de briguer un nouveau mandat. Seul contre tous ou presque, le président nigérien Mamadou Tandja a entraîné son pays sur des sables mouvants en voulant se tailler une Constitution sur mesure pour rester au pouvoir, mais personne n'est capable aujourd'hui de prédire une issue à la crise. Théoriquement, le calendrier était clair: après deux quinquennats consécutifs (1999 puis 2004), l'ancien colonel devait se retirer fin 2009. Mais à mesure que l'échéance approchait, l'idée a germé de rester au pouvoir, quoi qu'en dise, la Constitution. Silencieux dans son palais qu'il ne quitte pratiquement pas, Mamadou Tandja fait monter ses fidèles au créneau pour lui demander de se «sacrifier» une dernière fois, pour «finir le travail». Les électeurs sont donc convoqués le 4 août pour un référendum sur une nouvelle Constitution, en fait pour lui donner une rallonge de trois ans et la possibilité de se représenter autant de fois qu'il le souhaite. En mars, il trouve un allié inattendu: le guide libyen Maâmar El Gueddafi. De passage à Niamey, le nouveau président de l'Union africaine, lui-même au pouvoir depuis 1969, affirme qu'«il faut que le peuple choisisse celui qui doit le gouverner, même pour l'éternité». Mais plus le dessein de Mamadou Tandja prenait corps, plus les avertissements publics ou feutrés se multipliaient. Au Niger, où dix ans de stabilité ont donné naissance à une société civile active et vigilante, Tandja s'est vite heurté à une opposition multiforme: partis politiques - y compris de son bord -, hauts magistrats gardiens de la Constitution, syndicats, ONG...A l'étranger, la liste des critiques s'allonge chaque jour: Union européenne, Cédéao (Communauté économique des Etats d'Afrique de l'ouest), Organi-sation de la Francophonie, ONU. Pour le président français Nicolas Sarkozy, la démocratie et les institutions «sont aujourd'hui directement menacées par un dévoiement de certaines dispositions constitutionnelles au service d'intérêts particuliers et non de l'intérêt général». «On a le sentiment que ces déclarations n'ont fait que renforcer sa détermination. Il ira sans doute jusqu'au bout de sa logique», estime un expert occidental du Niger. Le référendum «vise à rétablir la démocratie dans toute sa plénitude», a d'ailleurs martelé mardi le porte-parole du gouvernement Mohamed Ben Omar. Reste qu'il y a aujourd'hui un «mystère Tandja», juge un observateur: le pays est en paix depuis dix ans, l'économie s'est redressée, il a finalement commencé à parler avec les rebelles touareg du nord, les relations avec l'ancienne métropole (la France) sont bonnes, «il aurait pu partir avec le sentiment du devoir accompli et entrer comme d'autres ex-présidents dans la catégorie des sages de l'Afrique». Comme par exemple son voisin du sud: tenté en 2006 par un troisième mandat, le général-président du Nigeria Olusegun Obasanjo avait finalement renoncé et a été nommé par la suite envoyé spécial de l'ONU pour le Darfour. Une telle reconversion semble exclue pour le président Tandja qui, après avoir dissous le Parlement et la Cour constitutionnelle, s'est mis à dos de nombreuses capitales. Peut-il encore faire marche arrière? Très probablement pas, selon un diplomate, sauf à se déjuger totalement. «Tout est allé trop loin», ajoute-t-il. Pour un observateur étranger, le pari est risqué mais Mamadou Tandja peut le gagner car si le référendum a bien lieu en dépit du tollé général, on ne peut en effet pas exclure que le peuple, lassé d'une querelle de politiciens, lui dise oui et lui accorde cette «rallonge» espérée. Mais dans ce cas-là, le «nouvel élu» aura à gérer un après-référendum des plus compliqués, tant au plan intérieur qu'international.