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«La loi en débat»
Publié dans El Watan le 14 - 11 - 2010


Par M'hamed Sahraoui (*)
En première analyse et sur le plan de la forme, quelques questions se posent.
-1- Le projet de loi abroge la loi n°93-03 du 1er mars 1993 portant sur l'activité immobilière, sauf son article 27.
Pourquoi l'activité immobilière est-elle remplacée par l'activité de promotion immobilière ? En effet, la promotion immobilière n'est qu'un processus de la chaîne des processus de l'activité immobilière. Au lieu d'approfondir la réflexion sur l'activité immobilière par la création d'un code de l'activité immobilière pour mieux définir les missions tâches et responsabilités des différents acteurs, dont les promoteurs immobiliers, le projet de loi élude la question et semble présenter l'activité de promotion immobilière comme étant l'activité immobilière. La gestion immobilière, la gestion financière, l'intermédiation et l'expertise immobilières, la formation aux métiers de l'immobilier, la maîtrise d'œuvre en bâtiment, l'entreprise de construction en tous corps d'état et la promotion immobilière font corps commun et gagneraient donc à faire l'objet d'un code de l'activité immobilière. Sinon, le projet de loi présenté seul en l'état ne manquera pas de créer beaucoup de confusions, des incompréhensions et donc des contentieux et des litiges. Par exemple, le promoteur immobilier entrepreneur, architecte, ingénieur ou distributeur de matériaux de construction pourrait se prévaloir de son activité de promoteur immobilier et ne pas répondre de son autre activité d'entrepreneur, d'architecte, d'ingénieur ou de distributeur de matériaux de construction.
-2- D'une part, le projet de loi abroge de la même manière l'ordonnance n°76-92 du 23 octobre 1992 portant sur les coopératives immobilières, sans expliquer les conditions de dissolution de celles qui existent et, d'autre part, sans expliciter la démarche que doivent suivre les auto-constructeurs groupés (la coopérative immobilière est-elle interdite ?) Par ailleurs, la problématique posée qui focalise sur la défense des intérêts des acquéreurs ne peut prendre toute sa signification que si et seulement si l'activité de promotion immobilière elle-même est codifiée, les droits et les devoirs de tous les acteurs, et pas seulement le promoteur et l'acquéreur, sont explicités, le tout permettant, en dernier ressort, au magistrat de rendre justice.
Sur les questions de fond, il est important de savoir que l'activité de promotion immobilière est un processus très complexe qui fait appel, d'une part, à de nombreux acteurs qui agissent et qui assument des responsabilités, chacun en ce qui le concerne, sur des matières différentes, mais complémentaires, et qui, d'autre part, relève d'une organisation de type participatif qui doit être écrite, suivie et contrôlée, revue et corrigée au fur et à mesure de l'expérience sur le terrain. Ce qui veut dire que les objectifs du projet de loi qui a focalisé sur les rapports de l'acquéreur au promoteur immobilier ne pourront pas être atteints, quand bien même le diagnostic, l'analyse et «les remèdes» proposés sont justifiés pour assainir la situation qui prévaut actuellement.
Ainsi, le problème posé, Amenhis propose dans ce qui suit, d'abord une définition du droit de l'activité de promotion immobilière et les dispositions à prendre pour l'exercice de cette activité, ensuite de quoi le projet de loi peut prendre toute sa place dans le dispositif global pour lui donner toutes ses chances de succès. A ce stade, Amenhis propose une thématique aux débats qui auront lieu au niveau parlementaire. Cette thématique est basée sur une architecture du processus de promotion immobilière la plus complète et la plus fonctionnelle possible. Il appartiendra aux experts, aux maîtres d'ouvrages, aux maîtres d'œuvres, aux promoteurs immobiliers publics et privés, aux entrepreneurs, aux administrateurs de biens, aux agents immobiliers, aux courtiers, aux industriels et aux distributeurs de matériaux de construction, aux concessionnaires de services publics (eau, gaz, électricité, assainissement, téléphone, Internet), aux avocats, aux notaires, aux banquiers et aux assureurs et à la presse spécialisée de suggérer les réponses à donner aux problèmes que pose l'activité de promotion immobilière pour servir d'outil d'aide à la décision. Les députés et les sénateurs débattront à leur tour de la question en connaissance de cause pour prendre les décisions qui faciliteront l'exercice de l'activité par tous les acteurs susmentionnés, et aux magistrats de rendre une justice efficiente. La loi qui sera votée doit être un instrument de travail indispensable pour tous les acteurs de l'immobilier. En cette embellie de construction de masse, le promoteur fait écran entre les maîtres d'œuvres, les concessionnaires de services publics, les constructeurs et l'accédant à la propriété d'un immeuble neuf, qu'il agisse comme dirigeant de société ou comme maître d'ouvrage délégué, ou en toute autre qualité.
Le droit de la promotion immobilière, c'est donc l'ensemble des montages juridiques conçus et mis en œuvre par les promoteurs, puis réglementés par la tutelle et adoptés par le législateur, pour faire édifier l'immeuble et pour faire accéder leurs clients à la propriété. En l'occurrence, il peut y avoir plusieurs formes de contrats : jouissance, vente sur plan (VSP). construction pour compte (maison individuelle, LSP, LSL…), location accession (AADL). C'est dire combien les formules peuvent êtres nombreuses et variées. Une question importante se pose, celle de savoir s'il n'est pas utile et nécessaire de confier la responsabilité de ces contrats à des sociétés immobilières spécialisées, sans oublier que tous les rapports du promoteur à ses partenaires sont également d'ordre contractuel.
La définition que nous tentons du promoteur est celle d'un professionnel qui conçoit et réalise l'opération de promotion immobilière et en assume les missions d'ordre juridique, financier, administratif, commercial, fiscal et technique qu'elle implique. C'est également celui qui prend l'initiative et le soin, à titre principal, d'une opération immobilière de construction ou de rénovation en participant à l'achat des terrains ou des bâtiments, à la passation des marchés et à la commercialisation des biens. Le promoteur gère l'opération, établit le plan financier, obtient les crédits et les autorisations administratives, se charge de tous les rapports avec les administrations concernées, traite avec les concessionnaires de services publics et les divers corps de métiers, surveille l'exécution des travaux par un suivi de chantier, souscrit les polices d'assurances nécessaires, procède à toutes les formalités.
Le contrat de promotion immobilière se définit à notre sens comme étant «un mandat d'intérêts communs, par lequel une personne dite «le promoteur immobilier» s'oblige envers le maître d'un ouvrage «l'acquéreur» à faire procéder, pour un prix convenu, au moyen de contrats de louage d'ouvrage, à la réalisation d'un programme de construction d'un ou de plusieurs édifices, ainsi qu'à procéder elle-même ou à faire procéder, moyennant une rémunération convenue, à tout ou partie des opérations juridiques, administratives et financières concourant au même objet. Ce promoteur est garant de l'exécution des obligations mises à la charge des personnes avec lesquelles il a traité au nom du maître de l'ouvrage, acquéreur. Il est notamment tenu des obligations résultant des articles. Si le promoteur s'engage à exécuter lui-même une partie des opérations du programme, il est tenu, quant à ces opérations, des obligations d'un locateur d'ouvrage.
Le contrat emporte pouvoir pour le promoteur de conclure les contrats, recevoir les travaux, liquider les marchés et généralement celui d'accomplir, à concurrence du prix global convenu, au nom du maître de l'ouvrage acquéreur, tous les actes qu'exige la réalisation du programme. En tout état de cause, il est important de signaler qu'en introduisant la notion d'intérêts communs qui est juste juridiquement, de notre point de vue, cela veut dire que l'acquéreur prend conscience que tel retard et surcoûts dus à l'administration, à Sonelgaz, à l'ADE, à l'ONA, à l'OPGI et autres pénuries de matériaux ne sont pas imputables au promoteur. Ce qui impose alors un contrat commercial réglementé avec pénalités de retard. Toutefois, le promoteur n'engage le maître de l'ouvrage acquéreur, par les emprunts qu'il contracte ou par les actes de disposition qu'il passe, qu'en vertu d'un mandat spécial contenu dans le contrat ou dans un acte postérieur.
Le maître de l'ouvrage acquéreur est tenu d'exécuter les engagements contractés en son nom par le promoteur en vertu des pouvoirs que celui-ci tient de la loi ou de la convention. Si avant l'achèvement du programme, le maître de l'ouvrage acquéreur cède les droits qu'il a sur celui-ci, le cessionnaire lui est substitué de plein droit, activement et passivement, dans l'ensemble du contrat. Le cédant est garant de l'exécution des obligations mises à la charge du maître de l'ouvrage acquéreur par le contrat cédé. Les mandats spéciaux donnés au promoteur se poursuivent entre celui-ci et le cessionnaire.
Le promoteur ne peut se substituer un tiers dans l'exécution des obligations qu'il a contractées envers le maître de l'ouvrage acquéreur sans l'accord de celui-ci. Le contrat de promotion immobilière n'est opposable aux tiers qu'à partir de la date de sa mention au fichier immobilier rendu obligatoire par la réglementation. La mission du promoteur ne s'achève à la livraison de l'ouvrage que si les comptes de construction ont été définitivement arrêtés entre le maître de l'ouvrage acquéreur et le promoteur, le tout sans préjudicier aux actions en responsabilité qui peuvent appartenir au maître de l'ouvrage acquéreur contre le promoteur. Le règlement judiciaire ou la liquidation des biens n'entraîne pas de plein droit la résiliation du contrat de promotion immobilière. Toute stipulation contraire doit être réputée non écrite.
DISCUSSIONS D'ORDRE JURIDIQUE
Au lieu de définitions courtes qui laissent la porte ouverte à des interprétations différentes selon les intérêts personnels des antagonistes dans l'acte de promotion immobilière, tous acteurs confondus, l'activité devrait être analysée et définie juridiquement, comme sont définies et codifiées les autres activités de maître d'œuvre ou d'entrepreneur par exemple.
-1- Une réflexion portant sur les missions, tâches et responsabilités dans l'acte de réalisation d'une opération de promotion immobilière doit être menée, afin de coordonner les différentes interventions entre les différents acteurs et situer les responsabilités de chacun.
En effet, autant les rapports du promoteur à l'administration, du promoteur à ses clients et du promoteur à la justice sont explicités et clarifiés, autant les rapports du promoteur à ses nombreux partenaires ne sont pas cités et les responsabilités franchement occultées. Sachant que la réalisation des opérations de promotion immobilière est une chaîne de processus dont les acteurs sont l'agent immobilier, le notaire, le service de l'urbanisme de la commune (certificat d'urbanisme PDAU et POS), l'architecte et le bureau d'études (indépendants), les concessionnaires de services publics (eau, assainissement, gaz et électricité, téléphone et Internet), le promoteur risque de faire les frais de tous les retards, malfaçons et autres surcoûts qui ne sont pas de son fait. Le promoteur immobilier passe un contrat avec l'architecte et le bureau d'études, mais n'a aucune prise sur les interventions relevant du secteur public (les services de l'urbanisme pour la délivrance et/ou les autorisations ayant trait au permis de construire, Sonelgaz pour l'électricité et le gaz, l'ADE pour l'eau, l'ONA pour l'assainissement), alors qu'il est responsable de tout retard constaté qui lui vaut pénalités. C'est dire que l'activité de promotion immobilière doit obéir à un système contractuel entre les parties engagées dans la réalisation des opérations d'études et de construction des ouvrages.
-2- Par ailleurs, les pénuries récurrentes de matériaux de construction (sable et ciment actuellement), comme la réglementation contraignante de la circulation des camions ou le transport, ont un impact direct sur les délais de réalisation, lesquels sont tout simplement mis à charge du promoteur immobilier
-3- La loi évoque la possibilité pour le promoteur immobilier d'avoir des sous-traitants ; cette disposition n'est pas acceptable juridiquement dans la mesure où le promoteur immobilier, personne physique ou personne morale, répond d'une seule responsabilité, celle de livrer, contractuellement, dans les délais et en parfait achèvement le bien immobilier qu'il a réalisé au prix convenu avec son client, l'acheteur. Pour ce qui concerne le processus d'études et de réalisation, il peut y avoir de la sous-traitance, mais c'est au titre de la maîtrise d'œuvre ou de l'entreprise de construction. Et les responsabilités sont différentes de celles du promoteur immobilier.
-4- Sur des points essentiels, tels que les conditions d'exercice de l'activité, de l'agrément rendu obligatoire par le projet de loi, l'inscription au tableau institué, les autres formalités administratives et fiscales, le conseil supérieur de la profession, le projet de loi renvoie leurs définitions à la voie réglementaire sans en fixer les buts et les objectifs et/ou le cadre général.
-5- Parce qu'elles ne sont pas obligatoires, les modifications à apporter sur la vente sur plan (VSP) devraient faire l'objet d'un autre texte législatif ou réglementaire (ce qui est déjà le cas), puisque le promoteur immobilier peut choisir la formule de vente à l'achèvement. Cas occulté par le texte.
-6- La gestion et la promotion immobilières publiques constituent un volume d'affaires très important et qui vise des objectifs hautement politiques de soutien à la demande de logements sociaux. Ces opérations sont confiées à des organismes publics (OPGI et EPLF), qui agissent comme des instruments de régulation du marché immobilier et qui servent d'outils privilégiés pour répondre aux besoins identifiés, quantifiés et financés par l'Etat. Les moyens comme les objectifs étant différents, ne faut-il pas différencier leur statut de celui de promoteur immobilier privé ?
-7- La promotion immobilière privée au sens de l'acquisition de terrains d'assiette et de constructions de biens immobiliers n'a pas atteint le niveau de développement qui permet de dire qu'elle participe, de façon significative, à la formation du segment de marché de l'immobilier du moyen et du haut standing. Noyée dans la promotion immobilière pilotée et gérée par l'Etat (LSP et locatif) et qui est en fait une activité de maîtrise d'ouvrage et/ou de maîtrise d'ouvrage déléguée et non pas de promotion immobilière, la promotion immobilière privée ne représente que moins de 5% du marché de ce qu'on appelle, aujourd'hui, la promotion immobilière publique et privée. Son développement ne peut se faire que si et seulement si elle e st différenciée de la maîtrise d'ouvrage.
-8- Le volume d'affaires et l'importance du programme à réaliser à l'endroit d'une opération de promotion immobilière doivent être assujettis à des CPS qui imposent des niveaux de qualification (promoteur, architecte, entrepreneur) qui en assurent la bonne réalisation. Toute opération de promotion immobilière met en présence, à titre principal, le promoteur immobilier en qualité de mandant et son client acquéreur le mandataire. C'est pourquoi, il est de la plus haute importance que le contrat juridique qui les lie doive être le plus exhaustif et le plus précis possible. Un tel contrat est le garant de l'équité et de la justice pour le traitement des litiges qui naîtront de la pratique de l'activité de promotion immobilière. Il serait donc opportun, voire indispensable, que soient réunies dans un même texte toutes les dispositions légales et réglementaires d'ordre commercial et financier qui ont été publiées depuis 1986. Ce recueil mettra en évidence tous les aspects de la relation contractuelle entre le promoteur immobilier et l'acquéreur dans le cadre de la loi. Les formes d'organisation de l'activité de promotion immobilière, les droits des acquéreurs, des prêteurs, des cautions et des cautions mutuelles, les garanties d'achèvement et de paiement, les compromis, l'expertise amiable, les saisies, la formation des prix seront passés en revue en suivant la thématique proposée qui, faute de place, nous avons développée dans la revue Amenhis n°31 (novembre/décembre 2010).
EPILOGUE
Après avoir débattu sur tous les aspects de la construction et de la promotion immobilières, il demeure une réserve de taille relative à la faisabilité et à l'impact de la loi qui sera votée. En effet, tous les sujets proposés à la discussion d'ordre général et à la discussion d'ordre juridique auront très peu d'impact sur la réalité du terrain si l'information et la formation des citoyens aux bonnes pratiques de l'activité immobilière ne sont mis en avant à travers une très large médiatisation des textes au niveau des collectivités locales et aux niveaux national et international (chaînes de télévision, les radios, la presse, l'organisation de rencontres, la publicité, sur les lieux du travail, à l'école…). Une autre réserve serait la prise en charge urgente, de grande ampleur et à grande échelle, de la formation des ouvriers du bâtiment (la pénurie et le manque de professionnalisme sont actuellement un facteur d'échec avéré). Par ailleurs, un projet national d'encouragement à l'activité industrielle dite de «bricolage» donnerait plus d'autonomie aux ménages pour le dépannage et l'entretien courant dans l'immobilier ; en même temps qu'elle construirait une base matérielle importante et durable en matière de maintenance et d'entretien immobilier. Sur la question de l'important programme de construction décidé par le président de la République, il nous paraît essentiel qu'un modèle de cahier des charges accompagné d'un contrat type d'études et de réalisation de chaque opération soit conçu par le ministère de l'Habitat et de l'Urbanisme et mis à la disposition des maîtres d'ouvrages délégués. Tandis que les opérations de promotion immobilière privées importantes (peut-être 300 logements ou plus) devraient, quant à elles, faire l'objet d'un agrément au cas par cas de la part du ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme, afin de réduire les délais de délivrance des autorisations d'urbanisme, d'alléger, dans le même temps, le travail des services d'urbanisme, mieux maîtriser le suivi et le contrôle des travaux et être assuré surtout d'une facture architecturale de qualité.
(*)Architecte urbaniste promoteur


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