Pour le Pr Mebtoul, il est normalement inconcevable que les banques privées soient gérées par le gouvernement. Ce dernier ne doit pas s'ingérer dans le fonctionnement des banques privées, selon la loi sur la monnaie et le crédit. Comment a-t-on pu imposer des mesures comme la suppression de crédits à des banques privées, libres de leur gestion ? Le problème se pose effectivement. D'abord, la loi sur la monnaie et le crédit qui régit les banques stipule que les banques publiques n'appartiennent pas au gouvernement. Ni le président de la République, encore moins un Premier ministre ne peut décider à leur place. La Banque centrale est la seule habilitée à prendre des décisions. Le cas des banques privées est encore plus particulier. Le gouvernement ne doit pas, selon cette loi, s'ingérer dans leurs affaires. En Chine, par exemple, le gouvernement a décidé de restreindre les crédits à consommation tout en laissant le choix aux banques d'appliquer ou pas la mesure. Autrement dit, la loi sur la monnaie et le crédit n'a pas été respectée… En effet, la loi ne permet pas d'ingérence dans la gestion des banques privées. Il faut savoir qu'avec cette annulation des crédits, on dévalue d'abord le dinar par rapport à l'euro et au dollar, on pénalise le consommateur et, enfin, on freine l'importation. En finalité, le gouvernement ne s'attaque pas du tout au vrai problème. Il y a par ailleurs une grande contradiction entre les décisions du gouvernement : une ordonnance vient annuler une décision du Premier ministre ! Face à la détérioration du pouvoir d'achat, ne risque-t-on pas d'amplifier l'emprise du crédit informel ? C'est évident. Il existe une loi selon laquelle une économie gérée par voie administrative entraîne systématiquement l'émergence de l'informel. Car cette sphère informelle est le produit de la bureaucratie. La société invente ses propres règles où le droit coutumier s'impose. On ne construit pas une économie de marché par une gestion administrative. Et dans notre cas, c'est la problématique de l'Etat de droit qui se pose. Prenant l'exemple de la Chine et de la Tunisie : ce ne sont pas des pays démocratiques, mais l'Etat de droit existe. En changeant les règles régulièrement, le pays devient instable sur les plans juridique et économique. Ainsi, je pense que le gouvernement se trompe de cible, car la crise mondiale, dont tout le monde craint les conséquences désastreuses, est focalisée sur l'immobilier. Or, voilà que notre pays interdit tous le crédits en encourageant… celui de l'immobilier ! Donc comme conséquence de la suppression du crédit à la consommation, de plus en plus de ménages algériens vont recourir au crédit informel. Face à leur endettement croissant, ils donneront des chèques différés à des taux d'intérêt plus élevés que ceux pratiqués par le système bancaire actuel, ou se rendront simplement à la bourse informelle où se pratiquent des taux d'usure. Que nos responsables visitent les sites où fleurit l'informel d'Est en Ouest, du Nord au Sud et ils verront que l'on peut lever des milliards de centimes à des taux d'usure, mais avec des hypothèques car il existe une intermédiation financière informelle. Or de tout temps, le fonctionnement de l'économie se base sur le crédit, l'informel favorisant les pratiques occultes, en un mot la corruption. Cette mesure, présentée comme un moyen de limiter le recours aux importations, ne pénalise-t-elle pas en réalité la classe moyenne, dans la mesure où c'est l'Etat qui importe le plus (biens et services confondus) ? En 2008, selon l'Association des banques et établissements financiers, les ménages algériens se sont endettés à hauteur de 100 milliards de dinars (1,3 milliard de dollars environ), ce qui représente 3% des importations de l'année 2008 évaluées à 40 milliards de dollars. Soit une progression de 25% par rapport à 2007. Toujours selon l'ABEF, si les crédits dépassent 40% des revenus, le client est en situation d'endettement excessif. Dans les pays développés, il y a un taux d'endettement élevé alors qu'en Algérie, sur les 33 millions d'habitants, on compte 700 000 emprunteurs avec 2 à 3% d'impayés. Pourquoi cette mesure, responsable de tensions sociales inutiles, alors que les incidences des crédits sont très faibles ? Je tiens à dire que cette mesure pénalise exclusivement la classe moyenne. Micro-ordinateur, climatiseurs, machines à laver… et autres biens de consommation sont demandés par les enseignants, les médecins et les journalistes, mais pas par un fellah. Cette classe moyenne reste le pilier du développement économique de tout pays ainsi que de son pouvoir politique. Elle sert, en effet, de relais entre le sommet et la base. Mais actuellement avec toutes ces mesures, la classe moyenne est en voie de disparition. On est en train de niveler cette classe. Je me pose également la question : est-ce que le dispositif de prêt à 800 000 DA pour acheter un véhicule avec 0% d'intérêt pour les cadres supérieur de l'Etat est toujours en vigueur ? Si oui, cela va créer une frustration au sein de la population.