Tout visiteur qui débarque pour la première fois à Béchar ne peut être que stupéfait par l'absence criante de loisirs et de distractions. L'ennui, la monotonie, les longues journées d'été en plus de la disette culturelle acculent forcément les jeunes à raser les murs et beaucoup s'orientent finalement vers un sport devenu depuis quelques années leur passe-temps favori : les motocycles bruyants et incommodants, à échappement libre. D'ailleurs, ici on les appelle les « engins de la mort » en référence aux nombreuses victimes causées par les utilisateurs de ce moyen de circulation qui sillonnent à partir de 20 heures et jusqu'à une heure tardive de la nuit, les rues, ruelles et quartiers de la ville, faisant peu de cas des règles de conduite en violant les plaques de signalisation. Pour un père de famille qui dort sur la terrasse de son habitation à la recherche d'un peu de fraîcheur après une journée de travail harassante, c'est assurément l'énérvement et la colère vis-à-vis surtout des agents de police qui laissent faire et n'arrivent pas à mettre fin à son cauchemar. En ce mois de grande canicule, le mercure oscille entre 40° et 44°C. Les chaleurs paralysent de nombreuses activités économiques et commerciales. A cause de la fournaise, les gens sont mis en demeure d'effectuer leurs emplettes au marché et régler leurs affaires avant midi. Ici, comme dans toutes les régions du Sud, le soleil frappe fort et atteint son apogée à cette heure-là et quiconque oserait défier cette loi immuable de la nature en pointant son nez dehors se ravisera aussitôt et regagnera dare-dare son gîte. La vie ne reprend son cours normal qu'à partir de 18 heures. Seules les administrations publiques restent ouvertes et encore là les fonctionnaires de l'Etat se plaignent de l'amplitude horaire (8h à 16 h30mn). Les administrations sont pratiquement vides et attendent d'improbables visiteurs qui ne se pointent pas. Des aménagements horaires sont réclamés chaque année pour une séance unique de 7h à 14 h, en vain. Mais la frange de la population qui souffre le plus de l'ennui mortel est incontestablement celle des familles cloîtrées chez elles et confinées dans des travaux domestiques incontournables. Parfois, la maison de la culture organise des soirées musicales en faveur de ces familles et l'afflux est considérable et renseigne plus sur l'idée de l'ampleur des frustrations. Pour revenir aux loisirs offerts à la jeunesse, il faut savoir qu'il n'existe dans les vingt-cinq quartiers qui composent la commune de Béchar que trois piscines. Un bassin de natation dit d'initiation, un autre semiolympique et un autre qui va bientôt ouvrir ses portes après réhabilitation. En fait ces infrastructures sportives sont nettement en deçà des besoins d'une demande sans cesse explosive. Un cadre d'une institution sportive tout en gardant l'anonymat, fait remarquer : « Certains secteurs croulent sous des crédits alloués dont les responsables ne savent pas quoi faire alors que celui de la jeunesse demeure privé des bassins de natation dont la plupart des quartiers sont quasiment démunis. Une incohérence à corriger. » D'autres témoignages de jeunes adolescents vont dans le même sens : « On tue le temps parce que nous n'avons pas où aller. Nous n'avons pas d'argent pour partir en vacances dans les plages du Nord car nos parents sont pauvres » se lamentent-ils. L'écrasante majorité des jeunes reste cloîtrée chez elle en été. Autre particularité de la région : toujours faute de moyens financiers pour fuir la canicule, des groupes de jeunes s'agglutinent dans la soirée autour de lampadaires illuminés le long des artères pour s'adonner aux jeux de dames et de cartes. Ceux dont les parents sont aisés choisissent des destinations touristiques connues, comme le Maroc voisin, la Tunisie, l'Egypte ou encore la Turquie, nouvelle destination prisée par les Algériens pour y passer quelques jours de vacances.