Tout visiteur qui débarque pour la première fois à Béchar, une importante agglomération du sud-ouest (160 000 habitants), ne peut être que stupéfait par l'absence sidérale des loisirs et autres distractions. L'ennui, la monotonie, les longues journées d'été s'ajoutant à la disette culturelle chronique, poussent forcément les jeunes à raser les murs et à s'orienter finalement vers un « sport » devenu, depuis quelques temps, leur passe-temps favori : les motocycles bruyants. Circulant sur ces engins de la mort, ainsi baptisés, ces jeunes sillonnent les rues des quartiers de la ville à partir de 20h jusqu'au lever du jour, tirant brutalement du sommeil les citoyens dormant sur leurs terrasses, en ce mois de juillet caniculaire. Les grandes chaleurs atteignent plus de 45°C dans la journée paralysant ainsi les activités commerciales. Aussi, les Bécharis effectuent leurs emplettes et réglent rapidement leurs problèmes administratifs avant 11h car à partir de midi, le soleil frappant fort atteint son apogée et quiconque oserait défier cette loi immuable de la nature et pointer son nez dehors, se ravisera rapidement et regagnera dare-dare sa demeure. La vie ne reprend timidement son cours qu'à partir de 18h. Seules les administrations publiques sont ouvertes. Mais les fonctionnaires de l'Etat se plaignent de la plage horaire de travail (8h-16h 30), car de 12h à 16h30, les administrations sont pratiquement vides et attendent d'improbables visiteurs. Les serviteurs de l'Etat soulignent la nécessité d'adopter une séance unique de travail allant de 7h à 14h, en raison des grandes chaleurs. Mais pour les familles qui subissent l'insupportable monotonie, l'enfermement dans les maisons et les incontournables travaux domestiques, c'est l'ennui mortel et un véritable cauchemar. Une soirée musicale de Hasna Bacharia, organisée exclusivement pour ces familles jeudi dernier, à la maison de la culture a permis de se faire une idée de l'ampleur de la claustration. Les femmes ont dansé même à travers les travées et connaissaient parfaitement les chansons de Hasna, qui a égayé la soirée pendant deux heures, accompagnée de sa guitare électrique. Comme l'oisiveté a atteint son point culminant, le vide culturel a poussé à la création de nouvelles habitudes : Faute de moyens financiers pour fuir la canicule, les jeunes se rencontrent tard dans la soirée sous la lumière d'un lampadaire et s'adonnent aux jeux de dames et de cartes. Pour les plus aisés, le problème ne se pose pas. Ils partent en vacances soit au nord du pays, soit au Maroc ou la Tunisie. Les colonies de vacances sur le littoral, jadis, organisées par les œuvres sociales au profit des enfants des travailleurs, ne sont plus qu'un lointain souvenir et ne sont plus aujourd'hui à l'ordre du jour, pour la plupart des organismes publics. Raison invoquée : restrictions budgétaires. A l'exception de quelques institutions publiques, le ministère de la Jeunesse et des Sports, la sonatrach, la Casnos, leur action sociale organise des sessions de colonie de vacances de 20 jours (Juillet et août), au profit des enfants. Mais la forte demande reste impressionnante car la majorité des enfants reste cloîtrée. Il faut signaler que les jeunes dans leur majorité ne pratiquent pas la natation ; un sport inconnu pour eux. Les deux ou trois piscines existantes dans la ville sont très insuffisantes pour accueillir et faire face à une demande explosive.