La ville de Tlemcen se découvre une nouvelle vocation : les veillées qui font sortir beaucoup de familles dans les rues. Si les ancêtres des Tlemcéniens venaient à se réveiller et quitter leur cimetière à Sidi Essenouci, ils se croiraient, indubitablement, dans une société qui n'est pas la leur, tant les changements ont pris un tournant à 360 degrés. En effet, il y a seulement une dizaine d'années, qui aurait cru que des familles entières de Tlemcéniens se retrouveraient dans des restaurants ou pizzerias, comme ceux de Michel, Benyellès ou Abbou pour savourer quelques spécialités européennes en ces nuits d'été. Il ne faut pas se voiler la face, s'il est nécessaire d'avouer qu'à Tlemcen la pizza n'avait pas sa place et était même méconnue ou non appréciée comparée à la fameuse « calentita ». Aujourd'hui, mutation oblige et cadre de vie non négligeable affirmé, on retrouve ces boîtes de pizza à emporter, vidées de leur contenu et jetées dans presque toutes les poubelles. Les éboueurs tlemcéniens doivent sûrement avoir le décompte. Par ailleurs, l'été tlemcénien, qui était fait seulement de soirées de mariage, d'orchestres de musique andalouse où on cherchait à passer des moments agréables avec Benzerga, Brixi et autres Hadj Ghaffour, est devenu actuellement, un espace temporel qui permet aux familles tlemcéniennes de s'évader dans les nouveaux sites créés pour la circonstance. Résignonsnous, le monde est ainsi fait. N'avait-on pas dit qu'une société qui se fige voit sa population dépérir. Celle de Tlemcen est en pleine explosion. Il n'y a qu'à voir le monde qui pullule de nuit comme de jour, au Petit Perdreau ou comme on l'appelle communément El Djebel, ainsi qu'au Grand Bassin. L'actuel wali de Tlemcen peut s'enorgueillir d'avoir participé à cette émancipation de la société locale en construisant et sécurisant des espaces verts, de détente et panoramas comme ceux d'El Djebel ou de Lalla Setti. Durant ces nuits d'été, une grande majorité de familles tlemcéniennes, qui étaient casanières, s'y rendent en quête de fraîcheur, en voiture, en bus ou en téléphérique pour dîner et se balader. On raconte à Tlemcen que les us ont tellement changé que la recherche de la bru, qui se faisait d'antan dans les hammams, se fait aujourd'hui sur les hauteurs de Lalla Setti, où les jeunes filles sont passées au « scanner » des mamans à l'affût d'épouses pour leurs jeunes fils. C'est à cet endroit que se tissent les liens matrimoniaux. En ces temps de canicule, les Tlemcéniens, hommes, femmes, vieux, jeunes, bébés, remplissent les terrasses des crémeries et autres sites de loisirs jusqu'à une heure très tardive de la nuit, dépassant même l'horaire de la prière du Sobh. Il n'estplus question d'aller en bord de mer pour respirer l'air de l'évasion. Tlemcen offre aujourd'hui à ses habitants et ses visiteurs un havre de paix. Il y a à peine une décennie, Tlemcen, en été, était déclaré ville morte dès le coucher du soleil et juste après le dernier cortège de mariés. Ces soirées que vivent les Tlemcéniens durant l'été sont une preuve tangible d'une liberté familiale et de la rupture d'un carcan, qui a longtemps emprisonné leur société.