Je lisais dans certains manuels qu'Alger était, autrefois, une ville accueillante. Une cité hospitalière où il faisait bon vivre avec tout le melting-pot des communautés qui vivaient sur son sol dans une parfaite osmose. Une agglomération qui abritait un conglomérat d'étrangers venus s'installer sur cette terre convoitée qui a vu défiler nombre de dynasties depuis l'époque phénicienne jusqu'à la période coloniale. Français, Italiens, Maltais et autres Espagnols fuyant la politique du Caudillo prenaient pied, ensuite, dans la ville du pays d'Ibn Mezghenna, qu'ils considéraient comme une terre d'abondance et un sol d'asile. Même la communauté gitane avait trouvé refuge en s'y établissant dans des campements de fortune sur les hauteurs de La Casbah. Musulmans autochtones, colons chrétiens et sujets juifs s'échangeaient mutuellement le respect, sans que l'une des communautés en vienne aux mains pour vivre sa communion dans la quiétude. Je me rappelle aussi, alors que j'étais encore petit, que des rescapés des Boat People occupaient certaines artères de la capitale, au même titre d'ailleurs que des Chiliens du socialiste Salvador Allende, qui avaient fui la junte chilienne, suite au putsch en 1973 du dictateur Auguto Pinochet, soutenu par l'oncle Sam. Au milieu des années quatre vingt-dix, l'Algérie avait accueilli, à titre humanitaire, des Bosniaques opprimés, eux aussi, et chassés de leur terre par les Serbes. Mais depuis, il semble que les temps ont changé. On a peur de cet étranger qui vient nous bousculer dans nos bases. Cet intrus qui vient nous voler le quignon et le rabiot. On a peur aussi des pathologies qu'il peut charrier sur nos terres. A l'image de ces jeunes subsahariens fuyant la dèche sociale de leurs pays pour se sustenter et ramasser le pactole en trimant dans le bâtiment ou galérant comme réparateurs de savates à chaque coin de rue, attendant l'opportunité avant de mettre les voiles comme nos harraga. Ces travailleurs venus des frontières du Sud ne rechignent pas à la besogne et s'adonnent, sans le moindre esclandre, à leur activité. Ils ne livrent pas de sentiment d'insécurité ni menacent la cohésion sociale de la nation. En dépit de quelques rixes qu'ils engagent avec nos compatriotes, comme cela se passe sous d'autres cieux, il serait malvenu de dire qu'il y a péril en la demeure. Comme ces Chinois qui inondent le monde avec leur labeur. Ces travailleurs de l'Empire du milieu qui cravachent dur, et que d'aucuns cherchent à chasser, en saccageant leurs locaux à Bab Ezzouar. De deux choses l'une. Soit on craint le communautarisme qui ouvre la porte au racisme, soit nos commerçants sont à court de ressources pour faire face à une concurrence loyale.