Emeutes de la faim ? Rien de plus faux. Les émeutes allaient au-delà de la protestation sur la hausse des prix de certaines denrées alimentaires, selon le collectif de solidarité avec les luttes du peuple algérien pour la démocratie et l'État de droit et du Comité de Soutien de Montréal. «Le soulèvement populaire de ces derniers jours exprime le ras le bol des populations, des jeunes en particulier, marginalisés par des gouvernants embourgeoisés qui n'ont cure de leur désarroi. Ces jeunes, qui se comptent par millions et qui sont l'avenir de l'Algérie, ont besoin de notre soutien pour arracher leurs droits à la liberté et à une vie décente dans une Algérie libérée de la dictature et promue à l'État de droit», peut-on lire dans la déclaration du collectif. Celle-ci a été remise, à l'issue du rassemblement, ce samedi, devant le siège de la représentation algérienne à Montréal, à un des vice-consuls présents au nom des manifestants par Oamr Aktouf, Zehira Houfani et Mehdi Nacer. Le rassemblement a été précédé par une marche le long de la rue Sherbrooke malgré le légendaire froid canadien en ce mois de janvier. « Ni souker ni zite, bye bye les parasites » (ni sucre, ni huile, bye bye les parasites), « l'Algérie aux Algériens », « Bouteflika, Tewfik fossoyeurs de l'Algérie, Dehors », « le peuple algérien a le droit à la démocratie », «les dictatures au Maghreb, c'est fini, le peuple reprend ses droits », « l'état d'urgence, jusqu'à quand ? »… sont quelques uns des slogans brandis sur les pancartes des manifestants. «Tunisia did it, Let's do it too » (la Tunisie l'a fait, faisons le aussi » renvoyait à ce qui se passe actuellement en Tunisie. Ironiquement, plus de 22 ans après les événements d'octobre 1988, les Algériens se retrouvent toujours à la case départ sur le plan des libertés démocratiques et économiques et sont réduits à jalouser leurs voisins dans leur révolte. Bien que la « révolution du jasmin » focalise l'attention et s'impose dans les media locaux de Montréal, du Québec et du Canada, les organisateurs ont maintenu leur marche prévue bien avant. Omar Aktouf, professeur aux HEC Montréal, estime pour El Watan que « Même si les situations en Algérie et en Tunisie sont comparables sur le plan de la misère et du chômage, l'Etat algérien a des moyens de répression plus important que ceux de l'Etat tunisien.» Il affirme que dans tout pays, si plus de 25% de la population n'a rien à perdre, la révolution n'est toujours pas loin. Il a appelé le premier ministre canadien, Stephen Harper, à s'inspirer de Barak Obama qui a convoqué l'ambassadeur tunisien avant la chute de Benali. Pour Zehira Houfani, « la situation en Algérie ou en Tunisie est la même. C'est la même dictature. Le soutien occidental pour ces régimes est le même. Le prétexte du rempart anti-islamiste ou anti-terroriste ne tient pas la route ». D'ailleurs, l'appel du collectif soutient clairement que « Le peuple algérien étouffe depuis près de vingt ans sous les lois de l'état d'urgence et assiste impuissant au pillage de son pays par les barons locaux et les multinationales ». Mehdi Nacer, jeune étudiant aux HEC Montréal, qui a été très actif sur Facebook pour mobiliser les jeunes d'origine algérienne estime que son groupe a voulu « témoigner de notre solidarité avec nos concitoyens et faire une communication positive autour de l'événement à Montréal». Faisant montre d'une maturité politique, ce jeune Montréalais issu d'une famille aux antécédents syndicaux reconnus en Algérie, affirme que « le nombre de participants à l'événement importe peu. Quand on voit que ça va du bébé dans son berceau jusqu'aux grands-parents, on comprend bien que les gens sont conscients des enjeux en Algérie». Juste après ce rassemblement, plusieurs participants ont rejoint la grande manifestation pour la Tunisie qui s'est déroulé dans les rues du centre-ville de Montréal ou les organisateurs ont recensé près de 5 000 personnes.