La journaliste soudanaise Lubna Hussein, qui encourt 40 coups de fouet pour avoir porté un pantalon en public, a expliqué jeudi qu'il s'agit pour elle d'un « combat légal », destiné à faire changer « des lois qui posent des restrictions sur les libertés des femmes » dans son pays. « Il ne s'agit pas d'être innocente ou pas (...), il s'agit ici d'un combat légal », a déclaré la journaliste, dans une interview accordée à la chaîne de télévision France 24 depuis le Soudan. « C'est le problème des lois qui posent des restrictions sur les libertés des femmes. » Loubna Hussein faisait partie d'un groupe de 13 femmes interpellées le 3 juillet dernier lors d'une opération de police dans un café de Khartoum, la capitale soudanaise. Elle a décidé d'aller jusqu'au procès, entendant en faire une tribune contre l'oppression de la femme par le régime islamique soudanais. « Ce qui est plus important que la flagellation, c'est la stigmatisation de la femme arrêtée ou fouettée. Mais mon affaire, mon cas, a porté un coup sur ce mur d'humiliation », a-t-elle estimé sur France 24, soulignant qu'auparavant, « les femmes (arrêtées par la police, ndlr), considéraient cela comme une honte » vis-à-vis de leur famille. Citant l'exemple de Soudanaises arrêtées la semaine dernière sur l'île de Tuti, à Khartoum, « mon cas les a encouragées », a-t-elle affirmé. Elles « ont informé leurs familles, leurs proches, leurs collègues pour qu'ils viennent assister à l'audience, et ces femmes ont été innocentées ». Loubna Hussein a précisé que 43 000 femmes ont été arrêtées en 2008 au Soudan par la police de l'ordre public, selon le chiffre officiel, confirmé par le directeur de la police générale. La journaliste a également dénoncé les conditions de son procès devant le tribunal de l'ordre public. « Ce genre de tribunal, j'en suis convaincue, n'existe plus nul part dans le monde au XXIe siècle. On ne peut pas concevoir un tribunal dans lequel il y a uniquement un juge et un policier : ce policier, c'est la partie qui a procédé à l'arrestation, c'est la partie accusatrice, c'est le témoignage. » « Cela se passe uniquement au Soudan, cela est contraire aux règles internationales, contraire à la Constitution soudanaise et à l'accord de paix », a-t-elle insisté. Les pantalons sont considérés comme indécents dans la stricte interprétation de la charia, la loi islamique adopté par le régime de Khartoum depuis le coup d'Etat militaire conduit par le président Omar el-Béchir en 1989. Le procès de Loubna Hussein a été ajourné jusqu'au mois de septembre. Actuellement en liberté conditionnelle, elle s'est vu interdire de sortir du territoire soudanais mercredi alors qu'elle essayait de prendre un vol pour le Liban.