Peut-on bouleverser le rythme de tout un pays avec autant de désinvolture et ne préciser les modalités de ce nouveau week-end qu'à quelques jours de son entrée en vigueur ? Le 21 juillet dernier, les Algériens apprennent que leur week-end a changé par la voie d'un communiqué d'un Conseil des ministres aussi tranchant qu'un couperet. Trente-cinq millions de p e r s o n n e s s o n t a i n s i informées par la voie officielle du bouleversement de leurs habitudes. Et pour cause : aucun débat ni concertation avec les acteurs sociaux et économiques n'a été prévu avant la prise d'une telle décision. Devrait-on s'en é t o n n e r ? N o n . U n changement des équilibres des pouvoirs en déverrouillant la limitation de mandats présidentiels a été opéré presque en privé dans les hautes sphères du pouvoir. Sans débat public. Des amnisties en série de tueurs ont été décrétées. Sans débat public. Même modus operandi pour la politique économique, l'éducation, jusqu'à la réécriture officielle de l'histoire. Vertigineux. D'autant plus que, à travers ce genre de décision, le pouvoir montre qu'il manque de… pouvoir. Gouverner c'est prévoir : or, décréter un changement de week-end à trois semaines seulement de son entrée en vigueur démontre toute la désinvolture du système décisionnel. Sans parler de l'extraordinaire série de cafouillages dans l'organisation même de ce changement d'agenda n a t i o n a l . L e s a m e d i deviendra-t-il jeudi ? Que f e r a - t - o n d u j e u d i ? Travaillerons-nous samedi ? Avec cette superbe boutade, summum de la gabegie officielle, livré par le ministre de l'Enseignement supérieur qui explique que le vendredi est un jour de « repos officiel » et que le samedi est un jour de « repos » ! Nous invitons les plus grands étymologistes du monde à analyser cette configuration sémantique dont la rareté dispute l'originalité aux plus secrets des codex d'Archimède. Nous invitons ces éminents chercheurs à se pencher sur ce cas extrême de sémiologie du dimanche au jeudi (en travaillant ou pas samedi ou vendredi avant la grande prière) avec le « maintien de la possibilité d'organiser le repos au niveau du travail posté, selon le plan de production », d'après la formule consacrée.