Au lendemain des révolutions tunisienne et égyptienne, le pays s'est doté d'une loi fédérale portant sur la restitution des valeurs patrimoniales d'origine illicite de personnes politiquement exposées. Ce texte permettra de remettre aux populations spoliées des avoirs illicites, même si l'entraide judicaire avec l'Etat concerné n'a pas abouti, car la loi rend «possible la confiscation» des fonds «sans condamnation préalable», avait expliqué au début du mois de février le ministère suisse des Affaires étrangères. La Suisse a également gelé les avoirs de Ben Ali, Moubarak et El Gueddafi, bien que ce dernier soit toujours en place. De son côté, le Conseil de l'Union européenne a adopté le 4 février dernier un règlement «imposant le gel des avoirs appartenant à/ou contrôlés par les personnes considérées comme responsables du détournements de fonds publics en Tunisie et aux personnes qui leur sont associées». Le texte vise une liste de 48 personnes, y compris l'ancien président Zine El-Abidine Ben Ali et son épouse. Des règlements similaires pour la famille Moubarak et Gueddafi devraient être bientôt adoptés, d'après le Conseil de l'UE. Le 27 février dernier, le Conseil de sécurité de l'ONU a même décidé à l'unanimité le gel des avoirs des Gueddafi, de sa famille et de ses collaborateurs. Brahim Gacem, expert financier installé en Suisse, explique que «les conditions de placement, de déplacement et de transfert d'argent deviennent de plus en plus contrôlés depuis une dizaine d'années déjà avec la mise en place de la loi sur le blanchiment d'argent qui interdit tout transfert de payement qui provient d'une activité illicite. Par la suite, on a également rajouté aux activités illicites la corruption qui est devenue un acte pénal», notamment en Suisse. Toutefois, relève-t-il, «l'application dans les faits prend un certain temps». S'agissant des cas des présidents déchus, notre interlocuteur explique qu'étant «donné qu'il y a de forts soupçons de corruption ou de vol d'argent public, les banques sont obligées de le restituer une fois que c'est prouvé que l'argent a été soustrait aux deniers publics, à la demande des autorités du pays concerné». Pour ce qui est de la Libye, en tous cas, «il n'y a presque plus rien en Suisse parce qu'il y a un différend depuis trois ans entre les deux pays à cause duquel la Libye a transféré quasiment tout son argent et tous ses investissements installés en Suisse et qui sont d'environ 7 milliards de dollars», souligne le même expert. Quant aux autres pays, il faudra d'abord identifier l'argent qui a été détourné avant de pouvoir le restituer, ce qui n'est pas une mince affaire, car selon les juristes, la bataille judiciaire peut prendre des années. A titre d'exemple, il a fallu 17 ans à la Suisse pour restituer au gouvernement philippin une infime partie de la fortune amassée par son ancien dirigeant Marcos. S'agissant des chefs d'Etat toujours en place mais sur lesquels planent de fortes suspicions, M. Gacem précise que les banques en général «doivent revoir la situation des comptes des personnes soupçonnées de corruption. Elles doivent faire le ménage chez elles bien avant que la personne ne soit déchue». Toutefois, cela reste «difficile» parce qu'on retrouve rarement les noms de ces dirigeants sur les comptes bancaires. «C'est toujours une société écran avec des prête-noms et c'est très difficile de remonter à la source»