L'avenir énergétique et donc économique de l'Algérie peut-il être assuré par l'équipe actuelle au ministère de l'Energie ? Youcef Yousfi a fait du très bon travail dans le secteur depuis 30 ans. La question se pose aujourd'hui de savoir si son optimisme sur l'avenir gazier de l'Algérie n'est pas un risque stratégique et sa timidité dans la rupture avec l'ère Khelil un risque opérationnel. D'abord le risque stratégique. Le ministre algérien de l'Energie et des Mines a «fait sensation», l'autre semaine, au Cera Week 2011 (Cambridge Energy Research Associates), une conférence annuelle qui réunit à Houston experts pétroliers, représentants des compagnies et hommes politiques de haut niveau. Il y a fait une annonce plus précise sur le potentiel algérien en gaz schisteux non conventionnel. Une première évocation de ce potentiel au congrès mondial de l'énergie à Cancun au Mexique avait été plus interprétée comme un placebo face aux menaces de déclin rapide du renouvellement des réserves algériennes de gaz conventionnel. A Houston, Youcef Yousfi s'est mouillé. Le bassin de Hassi Berkine pourrait générer environ 10 000 milliards de mètres cubes de gaz shisteux. Soit deux tiers des réserves connues dans le gaz conventionnel. Cela est bien sûr très confortable pour un pays amené à produire environ 150 milliards de mètres cubes de gaz par an pour soutenir la croissance de sa consommation interne et maintenir ses engagements commerciaux sur l'échéance des 10 prochaines années. L'autre nouvelle à Houston est bien que l'Algérie est disposée à ouvrir ce tiroir caché à l'exploitation. Selon un agenda qui paraît se contracter rapidement. Le trou d'air dans la production de gaz conventionnel se précise, en effet. L'Algérie n'exportera pas plus de 65 milliards de mètres cubes dans les trois prochaines années. Elle devra se résoudre à céder des parts de marché chez ses clients européens traditionnels en attendant l'arrivée de nouvelles quantités produites. La loi de partage de production de 1986 étendue en 1991 au gaz naturel et aux gisements existants a donné à l'Algérie un second âge pétrolier. Le virage vers le gaz schisteux vise à lui en procurer un troisième. Mais à quel prix ? Des experts ont déjà pointé le coût écologique de la fragmentation de la roche, qui dans le forage vers le gaz schisteux en permet l'exploitation. Elle pollue les nappes profondes d'eau. Le gaz schisteux va retarder le «pik-gas» de l'Algérie. Le moment où la production plafonne avant de s'incurver vers le bas. Il est un recours. Il aura, dans le contexte mondial de la concurrence des autres sources d'énergie en 2020, du mal à être une voie royale. Il pourrait même devenir une fausse piste avec l'effondrement aujourd'hui prévisible de la filière nucléaire. Les investissements pour les énergies renouvelables sont promis à une accélération après Fukushima Daiichi. La sortie progressive du nucléaire dans un nombre de pays croissant l'exige. Youcef Yousfi a été, à l'international, plus à l'aise dans la vente du potentiel coûteux du gaz schisteux algérien que dans son potentiel solaire hors norme. Choix doctrinal ? Péché professionnel et continuum de la pensée. Dans un monde en transition énergétique désormais accélérée, la résistance au changement devient un risque de long terme. Le risque de court terme lui est déjà intra muros. Le ministre de l'Energie et des Mines ne fait pas preuve de hardiesse dans la relance de l'exploration sur le domaine minier algérien, le chantier prioritaire qu'il s'est fixé. Le troisième appel d'offres de Alnaft pour dix blocs mis à concurrence a donné lieu jeudi dernier à une Bérézina. 45 compagnies ont payé pour voir (Data room). Trois seulement ont soumissionné. Tout le monde sait dans le secteur que l'attractivité de l'investissement dans la recherche exploration est largement annihilée par un système fiscal pénalisant. Un système fiscal valable pour la concession sur l'amont pétro-gazier. La concession a été supprimée – à juste raison – mais les taxes qui lui étaient adjointes sont toujours là. Youcef Yousfi aurait dû engager une réforme de la loi Khelil dès la rentrée 2010. Il a, semble-t-il, voulu d'abord faire la démonstration que le cadre juridique actuel n'attire pas les majors. Même plus les compagnies étrangères moyennes. Une année perdue pour cela. La mise à jour est urgente dans les options de gouvernance énergétique. Il faut aider le soldat Yousfi à sortir de la pensée pétrolière.