Le tribunal de Bab El Oued était cerné, hier matin, par des policiers en civil et en uniforme. Pourtant, il n'y avait pas foule autour de la cette juridiction, érigée au milieu des habitations, devant laquelle le journaliste Adlène Mellah, le photographe Abdelaziz Laadjal et Abdelhafid Benekrouche ont été déférés. Arrêtés lors d'un rassemblement de soutien au rappeur Réda City 16, organisé par des artistes le 9 octobre dernier devant l'Opéra, à Alger, les trois mis en cause sont poursuivis pour «attroupement non autorisé sur la voie publique», «désobéissance et outrage à des officiers dans l'exercice de leur fonction». Adlène Mellah a été placé sous mandat de dépôt, alors que les autres ont été mis en liberté provisoire. C'est vers 13h30 que les trois prévenus sont appelés à la barre. La salle n'arrivait plus à contenir le monde qui affluait, malgré les filtres dressés par les policiers. Au moins une trentaine d'avocats sont constitués. La magistrate tente difficilement de ramener à chaque fois le calme et la sérénité dans la salle. Pendant plus de deux heures, le collectif de la défense va essayer de convaincre le tribunal des «vices de forme» qui, selon eux, conduisent à «la nullité» de la procédure. D'abord les deux réquisitions signées par le wali d'Alger le 13 février 2018 et transmise à un chef de sûreté de wilaya, limogé de son poste depuis plus de cinq mois, puis «l'absence de l'ordonnance de mise sous mandat de dépôt dans le dossier, le non-respect de certaines obligations en matière de procédure, en passant par l'inexistence sur le procès-verbal d'audition du nom de l'officier de la police judiciaire». La réponse aux griefs est donnée par le procureur, avant que la parole ne soit donnée aux prévenus. Adlène Mellah va subir une cascade de questions. Les plus nombreuses sont celles du procureur, suscitant tantôt la colère des avocats tantôt celle du prévenu. Le représentant du ministère public va tenter de piéger le prévenu en essayant de démontrer que ce dernier n'a aucune relation de travail contractuelle avec un organe de presse et n'a pas été poursuivi en tant que journaliste. Un débat houleux s'en est suivi, notamment sur la question de la carte de presse qui, selon le procureur, «est totalement différente de la carte professionnelle délivrée par un organe de presse». Le climat électrique qui régnait suscitait à chaque fois des échanges de propos entre la juge et les avocats, ou entre eux et le procureur. Ce dernier, après avoir exposé les faits et les inculpations retenues, requiert une peine de trois années de prison assortie d'une amende de 10 000 DA contre les trois mis en cause, avant que la trentaine d'avocats ne se succèdent à la barre pour plaider la relaxe. En début de soirée, alors que Me Bouchachi poursuivait sa plaidoirie, la juge le somme à plusieurs reprises de «rester dans les faits». Ses confrères se solidarisent. Ils décident de se retirer. La magistrate va suspendre l'audience durant une quinzaine de minutes avant de revenir pour annoncer la mise en délibéré de l'affaire. Elle a décidé de se contenter des six plaidoiries et a annoncé que le verdict sera connu le 25 décembre. Nous y reviendrons demain avec plus de détails…