«Nous avons été étonnés de découvrir, à la télévision, les images de cette rencontre. Nous n'avons aucunement été informés», s'est indigné Ibrahim Ghouma, Aménokal des Touareg du Tassli N'Ajjer et membre du Conseil de la nation, lors d'une rencontre avec la presse, hier à Alger. «Ceux qui se sont réunis avec le ministre de l'Intérieur ne représentent pas les populations du Sud et les notables», a enchaîné Djelloul Ouaouane, membre de l'Académie algérienne de la société civile et représentant de la tribu des Kiltobren. Dahkal Tayeb, de la zaouïa Baba Abderrahmane de Tamanrasset, a dénoncé le non-respect des structures représentatives traditionnelles : «Les spécificités de nos régions ne doivent pas être ignorées. Les notabilités séculaires doivent être renforcées et soutenues. Celles-ci ont grandement contribué par le passé à aider l'Etat à régler des conflits complexes.» Selon lui, les notables sont choisis par les populations. «Nous n'avons pas besoin de problèmes supplémentaires. Personne ne peut s'autoproclamer notable et parler au nom des régions du Sud», a-t-il ajouté. Le ministre de l'Intérieur a, selon une dépêche de l'agence officielle APS, convié à son département des «représentants» des régions de Tamanrasset, Illizi, In Salah, Ghardaïa, d'Adrar, Ouargla, El Menea et de Bordj Baji Mokhtar. «M. Ould Kablia a salué le rôle des conseils des notables dans le renforcement de la confiance entre l'Etat et les citoyens des régions du Sud, ajoutant que cette réunion s'inscrit dans le cadre des orientations du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, concernant l'ouverture de la l'administration et des institutions de l'Etat à l'ensemble des catégories de la société», est-il rapporté dans la dépêche. Selon Djelloul Ouaouane, les Touareg du Tassili N'Ajjer ne reconnaissent que Ibrahim Ghouma comme représentant : «Nous lui faisons confiance et il est autorisé à parler en notre nom. Tout autre personne n'a aucun droit de prétendre nous représenter. Le plus curieux est que l'Etat le sait parfaitement.» Qui représente les notables ? Les notables et les chefs des tribus Ijrajriouen, Kaltoubren, Kilaras, Kalmadal, Makardassen et Iouarouaren se sont réunis, le 30 mars à Illizi, pour étudier la nouvelle situation provoquée par l'initiative de Ould Kablia et par la situation d'une région frontalière de la Libye, pays aux prises à une guerre civile née du refus du dictateur Mouamar El Gueddafi de quitter le pouvoir après 42 ans de règne. «Il y a des intrus qui veulent exploiter les situations qui sont proches de nous territorialement pour avancer nos revendications sociales et économiques et parler en notre nom», ont-ils dénoncé dans une déclaration rendue publique hier. Ils se sont engagés à éloigner tout danger qui peut «menacer la sécurité et la stabilité de l'Etat algérien». «Nous sommes préoccupés par ce qui se prépare et qui est annoncé en termes de réforme inconnue, à buts peu clairs, sans qu'on nous consulte», ont-ils ajouté. Djelloul Ouaouane comme Brahim Belkhir, président de l'Association pour la défense de l'imzad d'Illizi, se sont interrogés sur la manière dont «les notables», qui ont rencontré Daho Ould Kablia, ont été choisis. Pour eux, Maarouf Ben Brahim Adda, wali d'Adrar, qui a été reçu par le ministre de l'Intérieur, ne peut parler au nom des gens du Sud : «Cette rencontre suscite l'intérêt des hommes de bonne volonté, des érudits, des jeunes et des femmes de ces régions qui aspirent à construire ce pays et à unifier les rangs», a déclaré M. Adda Ouali, repris par l'APS. Selon les représentants de Tassili N'Ajjer, Moulay Touhami, personnalité connue dans le Touat, a été chargé par le président de la République de constituer un conseil national des notables. «Ce conseil ne peut pas être mis en place sans notre avis. Ce conseil doit représenter l'ensemble des Algériens et pas uniquement les Touareg», a estimé Dahkal Tayeb. Selon Ibrahim Ghouma, des lettres de protestation ont été envoyées au président de la République, au Premier ministre, au président du Conseil de la nation et au wali d'Illizi. «Nous voulons que les autorités rectifient une erreur», a estimé Ibrahim Ghouma. Les Touareg du Tassili N'Ajjer disent faire confiance à l'Etat en matière de maintien de la sécurité à la frontière algéro-libyenne et annoncent que l'armée a renforcé sa présence dans la région après le début de l'insurrection en Libye. «Mis à part les travailleurs étrangers qui étaient établis en Libye, aucun Libyen n'est venu en territoire algérien», ont-ils dit. Les réfugiés étrangers ont été, selon eux, correctement pris en charge par les autorités algériennes et accompagnés vers leur pays d'origine.