Mohamed Boudiaf ayant été assassiné, c'est son fils Nacer qui prend la défense de sa mémoire et de celles des autres martyrs souillées par un Ben Bella visiblement rattrapé par ses errements historiques. Dans une lettre qu'il lui a adressée, Nacer Boudiaf ne prend pas des gants pour remettre à sa place le premier président de l'Algérie indépendante. «Dans votre dernière interview à Jeune Afrique, vous avez qualifié Mohamed Boudiaf de ‘zéro sur le plan militaire'. Si vous insinuez que s'il était un peu plus rusé sur ce plan, il n'aurait pas été lâchement assassiné, les militaires algériens apprécieront. Quant à son algérianité, vous n'en parlez pas pour la raison simple qu'elle est irréprochable, contrairement à la vôtre. Est-ce votre incomplète algérianité qui vous a permis de tenter de vendre l'Algérie à l'Egypte ?» a chargé le fils du déclencheur du 1er Novembre 1954. En se basant sur des témoignages des acteurs-clés de la Révolution algérienne, tels que Ferhat Abbas et Benyoucef Ben Khedda, pour démolir «les vérités», Nacer Boudiaf cite un passage du livre L'indépendance confisquée de Ferhat Abbas qui rapporte un témoignage de Abane Ramdane : «C'est Ben Bella qui dénonça, en 1950, notre Organisation Spéciale (OS) ; du moment qu'il était arrêté, rien ne devait subsister après lui. C'est un ambitieux sans courage. Pour parvenir à ses fins, il passera sur le corps de tous ses amis. Il est sans scrupule.» Et Nacer Boudiaf d'estimer que c'est «à cause de cela que vous avez (Ben Bella) été très loin de la réunion des 22, donc du déclenchement de la Révolution du 1er Novembre 1954 et que votre présence au Congrès de la Soummam n'était pas souhaitée par les grands de la Révolution qui ont eu vent de votre piètre prestation devant la police française en 1950». Pour l'accabler davantage, Nacer Boudiaf a accusé Ben Bella d'avoir été placé par le général de Gaulle à la tête de l'Algérie indépendante : «La France se rend compte de votre facile malléabilité et réalise la fameuse prise d'otages de l'avion qui vous conduisait du Maroc vers la Tunisie. Messieurs Hocine Aït Ahmed, Mohamed Boudiaf, Mohamed Khider et Mostefa Lacheref étaient dans ce même avion. Et de toutes ces augustes figures, la France décide d'appeler cette opération ‘l'avion de Ben Bella' et vous a choisi pour faire de vous une image, manipulant les médias et les foules pour faire oublier les hommes comme Abane, Boudiaf, Aït Ahmed, Khider, Krim et bien d'autres. Plus tard, le général de Gaulle ne souhaitait pas, pour des raisons évidentes, avoir en face de lui, dans une Algérie indépendante, un Ferhat Abbas, un Boudiaf, un Aït Ahmed. Très fin manipulateur, de Gaulle enchaîne plusieurs manœuvres d'écarter deux pharmaciens – Abbas et Ben Khedda – et réussit à placer à la tête de l'Algérie un adjudant décoré par l'armée française», a martelé le fils de Si Tayeb El Watani.