Elle rend hommage à l'inoubliable Djamel Amrani. C'est simple, le titre du poème explique tout : Mémoire de père. Samira Negrouche, dans Le jazz des oliviers, recueil publié dernièrement aux éditions du Tell, a voulu rendre hommage à l'auteur de Aussi loin que mes regards se portent. «Des jambes et des caves pourries pour achever les poètes qui, comme l'âme de Jean Sénac, n'en finissent pas de me hanter», écrit-elle. Elle insiste : «C'est une âme errante, à la recherche de la mémoire solitaire et oublieuse qui croit se laver sous les pluies d'orages et de sang». A sa manière franche et sans tache, Samira Negrouche remonte, en quelques mots, toutes les douleurs qui ont accompagné la démarche artistique de Djamel Amrani. Dans Entre griffons et croquis, elle continue à labourer les terres souvent arides du mépris à l'égard des artistes, des faiseurs de rêves, ceux qui tentent de trouver espoir dans les ruelles sans parfum de la ville blanche. «S'engouffrer en toi à demi-ombre violer les murs du théâtre national faire gémir tes courbes au Square port Saïd ; Alger, des hommes se cherchent sur des terrasses inesthétiques aux odeurs sueur et frites», chante-t-elle presque. On ne quitte pas des yeux ce beau poème : «Une main tremblante parfois esquisse des paroles enfiévrées… Des navires se souviennent, se laissent happer par la blanche colline». Comme Djamel Amrani dans Alger, un regard intérieur, Samira Negrouche a voulu évoquer cette ville curieuse qui cache ses yeux du soleil et qui tourne son dos aux «horizons bleus» ! Et la solitude des pauvres ? Et les tourments muets de l'Afrique ? La réponse coule de source : «des sillons se creusent dans le désert d'Afrique, les caravanes ne savent plus descendre dans la terre noire, le désert a mal de liberté, c'est la légende qui s'inverse contre la mer barbelée». Le Nord, qui faisait rêver, s'éloigne : «Je suis au sud de la vie avec ma mémoire d'esclave rouge de ce sang imbibé de nos craintes, il n'est point de nation qui me réclame». L'amertume est également présente dans ce poème aux couleurs du temps qui passe, Café sans sucre. «J'aime boire le café avec un nuage de crème faux, j'aime le café sans rien, sans sucre, je n'aime que le nuage brumeux de l'aube que je surprends avant le sommeil», confesse la poète, comme prise entre deux lumières. Toujours sur la même lancée, ce besoin immense de comprendre, d'interpeller le présent, de poser des question. D'où cette interrogation : «Inventer le verbe ?». Le Jazz des oliviers. Poésie de Samira Negrouche. Illustrée par Yves Olry. Editions du Tell. Blida