«Mon regard, cette ruine interminable de visages disparus, d'autres inexpressifs et maladroits» écrit la poétesse dans ce recueil de poésie sorti aux éditions du Tell. Elle, c'est une personne pas comme les autres. Samira Negrouche est une jeune poètesse vivant à Alger où elle travaille dans le milieu médical et milite au sein d'associations culturelles et littéraires. Auteure de plusieurs recueils de poésie dont Faiblesse n'est pas de dire, L'Opéra cosmique et À l'ombre de Grenade, elle a aussi assuré diverses traductions de l'arabe vers le français en poésie, nouvelles et romans. Elle a également réalisé des essais de travaux interdisciplinaires avec le théâtre, la vidéo, la photo et les arts plastiques. Aujourd'hui, elle sort aux éditions du Tell son septième recueil de poésie, accompagné des gravures d'Yves Orly avec lequel elle a l'habitude de travailler, mais aussi de citations de poètes qu'elle aime bien comme René Char et Léopold Sédar Senghor. Son titre? Le Jazz des oliviers. Ce sont des textes déjà publiés ailleurs dans plusieurs pays dont la France, au départ ensuite réédités en anglais, italien, turc, notamment. Certains textes comme Café sans sucre sont traduits dans une dizaine de langues et publiés dans des revues. «J'ai voulu, à un moment donné, m'arrêter sur ça et republier quelque chose en Algérie avant la sortie de mon prochain recueil de poésie en France qui sort en automne et qui s'intitulera Instant: départ. En attendant, le recueil, Le Jazz des oliviers est un cadeau céleste pour les amateurs de vers, des émotions à fleur de peau, puisque les mots que distille Samira Negrouche ne sont pas sans incident sur l'âme, l'esprit et le coeur. Pour info, Le Jazz des oliviers renvoie à la dernière phrase du poème dédiée à sa grand-mère et baptisé Gida. Un nom qui s'imposait de facto, d'après elle. Mais le choix n'était pas si facile au début, car le recueil devait s'appeler autrement en fait, plutôt Entre griffons et croquis, nom d'un autre poème. Entre-temps, Samira Negrouche inclut l'autre poème qu'elle écrit en 2007 à Prague. Elle en rajoute trois autres, sortis de nulle part, et finit ainsi ce recueil par cette partie à laquelle on doit le titre Le Jazz des oliviers. Le printemps des poètes étant là, ce livre vient à point nommé sceller sa passion pour les mots qui la fera se retrouver avec plaisir avec son public. A cette occasion, Samira Negrouche s'occupe des journées poétiques qui se tiendront à partir de ce mardi et jusqu'à jeudi au CCF. «Je chapeaute la ligne littéraire et artistique du printemps des poètes qui commence ce mardi au CCF avec le soutien de l'ambassade de France.» Cette année, les jours ont été réduits en raison du manque de budget mais cela sans altérer la qualité des invités. «On est parti de l'idée du Printemps de la Méditerranée eu égard à la sortie de cette grosse anthologie portant sur cette thématique qui vient d'être publiée en France par Gallimard. On s'est dit pourquoi ne pas faire une table ronde autour de la Méditerranée et les poètes. Car c'est une thématique qui a toujours intéressé les poètes et leur imaginaire bien avant ces velléités politiques sur la Méditerranée. On a voulu ainsi poser une question aux poètes à savoir, ce que représentent pour eux et chez eux aussi bien le patrimoine littéraire méditerranéen que la Méditerranée comme objet mythique. Partant de là, j'ai voulu qu'il n'y ait pas que les poètes de l'anthologie et j'ai élargi l'horizon à d'autres poètes, sans parti pris donc. L'anthologie est là, c'est un objet de référence mais pas une Bible. Elle sera présentée. Nous allons rendre hommage à Bernard Noël, considéré aujourd'hui comme le grand poète français», nous a-t-elle confié samedi dernier à la librairie du Tiers-Monde où elle présentait son nouveau recueil entre deux signatures-dédicaces. Qu'est-ce que la poésie pour vous Samira Negrouche? «Ah! c'est une question philosophique ça!» nous rétorque-t-elle. Evoquant son métier de médecin, elle fait remarquer à juste titre: «Si je devais retenir une chose de mes études de médecine c'est ce que m'a appris mon professeur de chirurgie et c'est que quand tu examines un patient, en parlant de la vie, on commencerait par le système respiratoire. C'est d'ailleurs le premier élément qu'on surveille en réanimation. Et si la vie était la respiration, la poésie c'est ma respiration et c'est ça ma vie. La poésie c'est tout!» Vers libres, de la poésie en prose et sans ponctuation, telle est la caractéristique de la poésie de Samira Negrouche. Ses thèmes de prédilection sont multiples. Le poète qu'elle est puise sa source d'inspiration au coeur de sa vie, de ses tourments, ses passions, ses moments d'ennui ou de rédemption. Alger, la femme, la sensualité sont toujours omniprésentes tout comme la mémoire, l'amour...mais la poétesse traverse d'autres sentiers battus pour dire ses voyages et ses richesses. Elle accouche aussi au gré de ses pérégrinations des mots de ses angoisses glanés lors de ses divers voyages, notamment à Dakar et pense à la décolonisation, de ces terres rouges, arides et ses mères sacrifiées sous l'autel des injustices. «Dans chacune des parties du recueil, les thématiques s'entremêlent». Sa poésie est suggestive, palpable, comme la chair faisant de nous les réceptacles de ses divagations verbales. Elle est lumière et ombre, regard et murmure, le tout à la fois, creusant un sillon d'amour vers la liberté haletante et brisant les chaînes des fils barbelés de la servitude...