New Delhi. De notre correspondante Forte de son histoire commune avec plusieurs pays africains (anciennes colonies britanniques, françaises et portugaises) et de la solidarité qui a uni les pays membres du Mouvement des Non-alignés dans les années 1960 1970, l'Inde compte bousculer les intérêts de la Chine et grignoter sa dominance économique sur le continent africain. Ne pouvant rivaliser avec l'imposant engagement financier du dragon asiatique dans plusieurs pays africains, notamment les investissements de l'Etat chinois par les joint-ventures dans le domaine de l'extraction minière et de l'exploitation des hydrocarbures, l'Inde, vise plutôt à gagner la confiance de ses partenaires au sein de l'Union africaine (UA). D'abord, en leur promettant un transfert de technologies, une formation dans les domaines de l'industrie spatiale, des sciences informatiques et un développement des infrastructures. La sécurité énergétique demeure l'autre préoccupation des Indiens, conscients de leur forte dépendance de l'importation du pétrole et du gaz, à hauteur de 80%. Par ailleurs, l'Afrique représente un marché immense pour les produits indiens, qui vont des cotonnades, aux véhicules et autres machines à moteur, aux viandes, produits alimentaires… Le deuxième sommet Inde-Afrique, qui s'est ouvert hier à Addis-Abeba en présence des chefs d'Etat de 12 pays membres africains et du Premier ministre indien Manmohan Singh, sous le thème : «Vision partagée», se veut une nouvelle étape dans la construction du partenariat indo-africain. Le responsable indien a annoncé que son gouvernement débloquera 5 milliards de dollars, sous forme de lignes de crédit étalées sur trois ans, qui seront accordées aux pays africains (dont le Ghana et le Burundi). «Pour aider l'Afrique à développer ses potentialités», a-t-il affirmé. Manmohan Singh, faisant référence à l'histoire des mouvements indépendantistes africains, a assuré que l'Inde ne saurait oublier «le rôle de l'Afrique dans l'inspiration des luttes de libération». Pour leur part, les dirigeants africains veulent saisir l'opportunité de ce sommet Inde-Afrique qui fait suite à une première rencontre tenue à Delhi en avril 2008, pour aborder la coopération indo-africaine sous un nouveau regard, et discuter notamment d'un meilleur accord commercial, car les échanges entre les deux partenaires se limitent encore à l'import-export qui aurait atteint, selon l'Union des chambres de commerce et d'industrie de l'Inde, le volume de 50,62 milliards de dollars en 2010, contre 45 milliards de dollars en 2009. La Chine, elle, a enregistré 127 milliards de dollars à la même période. L'accord-cadre de coopération renforcée qui sera signé dans la capitale éthiopienne devra stipuler plus de franchise de droits avec les exportations africaines vers l'Inde, notament par un abattement progressif des barrières douanières et un assouplissement des mesures protectionnistes indiennes. Vue de Delhi, la participation de l'Inde à ce sommet, qui se clôturera aujourd'hui, est une réussite. Le très sérieux quotidien indien, The Statesman, a titré dans son édition d'hier : «Tapis rouge pour accueillir Manmohan». La délégation indienne a promis que plusieurs centaines de millions de dollars seront dépensées pour la création d'instituts de formation supérieure dans plusieurs pays africains anglophones et que l'Inde appuiera la position de l'Union africaine dans les négociations avec l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Mais au-delà de ce discours politique charmeur, les observateurs tiennent à rappeler que les Indiens regardent plutôt vers le Nord et que les entrepreneurs de ce pays investissent davantage en Europe et en Amérique que sur le continent noir. Ces experts soutiennent que les Chinois n'auront pas de raisons sérieuses de s'inquiéter face à ce récent engouement de l'Inde pour l'Afrique. Pékin sait que son mariage de raison avec l'Afrique est solide et peut résister aux promesses aguicheuses de Delhi.