Comme chaque mois de carême, la ville de Bouira, à l'instar des autres régions du pays, renoue avec les œuvres caritatives. De jour comme de nuit, des endroits bien désignés pour accueillir les sans-ressources sont ouverts, mais la brèche béante de la paupérisation fait entrevoir le mal de vivre dont souffrent de larges couches de la société. Le mardi matin, au quatrième jour du Ramadhan, l'esplanade de la salle omnisports de la ville de Bouira était archicomble. Plusieurs dizaines de citoyens, des hommes et des femmes de différents âges sont déjà là tôt dans la matinée. Il font la queue et se bousculent comme au temps des Souk El Fellah, pour attendre la venue des employés de la commune qui devaient leur distribuer le fameux couffin du Ramadhan. Des personnes dont les silhouettes arborent la lassitude, des vieilles et des vieux notamment, attendaient sous une chaleur insupportable, un soleil de plomb. Selon certaines personnes que nous avons interrogées, il a fallu se pointer ici tôt dans la matinée pour espérer passer parmi les premiers. Cependant, « l'incivisme des gens n'a pas de limites, puisque l'on n'hésite pas à vous bousculer après tant d'heures d'attente à la merci des aléas climatique », nous dira un vieux, visiblement atterré. Un agent de sécurité qui tente de mettre de l'ordre pense qu'il est utile de rappeler à la foule que « la bousculade n'arrange rien, puisque n'auront de couffins que ceux ayant leurs bons sur eux ». Un rappel que d'aucuns ne semblaient pas entendre, dès lors que l'on continuait à assister à un véritable branle-bas de combat devant la porte d'entrée de la salle de sport, transformée pour la circonstance en lieu de bienfaisance. « Il y a ici des gens de tout acabit, des nécessiteux qui n'ont pas d'autre choix pour subvenir aux besoins de leurs familles, des profiteurs sans scrupules qui tirent profit de la bienfaisance de l'Etat en la circonstance », nous dira un citoyen rencontré sur place et qui regrette que l'Etat n'intervienne qu'à l'occasion de ce mois de Ramadhan, alors que l'effort de lutte contre la pauvreté doit être permanent et à longueur de l'année. Notre interlocuteur nous cite des cas de sa connaissance, des salariés, qui pourtant travaillent, mais qui se trouvent obligés de tendre la main aux services sociaux de la commune, c'est une preuve de l'injustice sociale qui règne en maître dans notre pays. Ahmed, la cinquantaine passée, dira que « ce couffin du Ramadhan n'honore en rien l'Etat algérien, il le déshonore plutôt, car c'est à cette occasion que l'on s'aperçoit du désastre social dans notre pays ». L'incompétence de l'Etat à répondre favorablement à tous les besoins exprimés est reconnue. « La demande est énorme et les moyens disponibles ne sauraient satisfaire tout le monde », nous dira un fonctionnaire de la commune de Bouira. Pourtant, du coté de la direction de l'action sociale de la wilaya, on affiche bien une mine joviale. Par ici, les chiffres avancés font bien état de dispositions largement satisfaisantes. Les statistiques établies jusque-là font état de plus de 22 000 familles démunies qui seront prises en charge dans le cadre de ce programme auquel une enveloppe dépassant les 10 milliards de centimes est réservée. Ajouter à cela les dons de bienfaiteurs collectés ici et là ainsi que les contributions des communes dont chacune pratiquement, a prévu une somme donnée sur son budget pour soutenir cet effort de soutien aux nécessiteux. Aux couffins contenant divers produits alimentaires de base, s'ajouteront les 9 restaurants « rahma » ouverts au niveau des grandes daïras et du chef-lieu de la wilaya. Des chiffres qui donnent de la sueur dans le dos, car s'ils démontrent une certaine disponibilité des services sociaux de venir en aide aux nécessiteux, ils révêlent par contre une paupérisation à laquelle des pans entiers de la société sont soumis.