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Les femmes elles aussi se sont sacrifiées pour la Révolution

Aussi, en ma qualité de fils de chahid dont l'affection de mon père m'a été arrachée impitoyablement en 1958 par l'armée française, faisant d'un gosse de 10 ans que j'étais un traumatisé à vie, au même titre d'ailleurs que Mme Ighilahriz qui a été sauvagement torturée par le non moins sinistre Aussaresse, je me suis donc senti interpellé par un tel écrit relatif aux assertions sans appel d'un certain Yacef Saâdi qui, faute de mieux, fut en charge de la responsabilité des fidaïyne de la Casbah d'Alger ; assertions suivant lesquelles Mme Louisa Ighilahriz n'a jamais été une moudjahida ! (Excusez du peu). Et pourtant, les nombreux témoignages, et pas des moindres, sont là pour soutenir le contraire. Une question à deux sous : Que faites-vous donc de la décision de justice ayant donné gain de cause à Madame Ighilahriz dans son procès contre le général Schmid ? En suivant une certaine logique des faits que vous avez relatés, le pauvre.
Aussaresse a été donc accusé à tort !
Pourquoi avez-vous attendu bientôt 50 ans pour inoculer à notre jeunesse votre venin qui va immanquablement frelater notre histoire en éloignant les faits historiques de l'authenticité.
Je paraphrase Mohamed Harbi dans le texte (El Watan du 26/5/2011) et je vous dis : ce que vous avez fait, Monsieur Yacef, n'est ni sérieux, ni galant, ni noble, en vous attaquant à une personne qui avait donné le meilleur d'elle-même pour son pays. Pourquoi ne vous intéressez-vous pas à la recherche du pourquoi et du comment relatifs au fait qu'on a tordu le cou au colonialisme ? N'est-ce pas plus utile ? Non ! Monsieur préfère la stérilité de l'accessoire aux dépens de la soif de notre jeunesse de connaître leur vraie histoire. Monsieur préfère l'invective et le mensonge en traînant dans la boue une authentique moudjahida. Et là, je dois dire à celui qui fait de la géométrie variable à notre glorieuse histoire que j'ai eu une fois l'insigne honneur de m'entretenir durant un moment avec Madame Louisa Ighilahriz à la bibliothèque d'El Hamma, et une autre fois l'occasion me fut offerte pour assister à Cherchell à la commémoration de la mort de Ouadaï Zoulikha, une grande moudjahida (encore une femme, n'en déplaise à M. Yacef), rencontre animée par Madame Louisa Ighilahriz et M. Boualem Benhamouda.
Je dois dire à celui qui prétend détenir la vérité du haut de son arrogance que j'ai découvert en l'immense Madame Ighilahriz une patriote invétérée, passionnée, mue par une grande valeur morale, sincère, courageuse, obéissante seulement à sa conscience et à un idéal, comme d'autres, suivez mon regard, obéissent à l'homme, au doigt et à l'œil, «pour préserver le pain de leurs enfants» (expression si chère à un certain magistrat).
J'ai découvert aussi une grande dame qui vit décemment, loin des avantages matériels dont certains courent après éperdument. Elle passe la majeure partie de son temps dans les bibliothèques et autres centres d'archives en quête de la vérité qui va servir à nos générations futures dans leur travail de recherche pour expliquer le passé de leurs aînés et de leur Algérie. Pourquoi ne le faites-vous pas Monsieur Yacef ? Si, toutefois, et là j'en doute fortement, vous tenteriez de le faire, ne refaites jamais l'erreur et autres déformations des faits contenus dans vos précédents écrits. Monsieur, on ne se refait pas facilement une virginité. En ce sens que plusieurs questions me brûlent : pourquoi votre film, La bataille d'Alger, a été tourné dans la hâte ? Certes, ce film est une grande réussite, mais est-ce que dans le contexte de l'heure l'Algérie avait-elle besoin d'un tel luxe ? D'où provenaient les fonds et pourquoi ? Est-ce une fuite en avant de votre part ? A-t-il servi à dédouaner certains quand on sait que vous avez campé admirablement le héros du «Chevalier sans peur et sans reproche».
Ne vous déplaise, le renom de la Casbah, durant la guerre, a été l'œuvre et le sacrifice de soi de femmes et d'hommes sincères, sérieux, loyaux, qui ont tout hypothéqué, absolument tout pour la libération du pays : don de soi, famille, enfants.
Le flash-back de votre passé me fait penser que vous êtes rentré par effraction dans la sphère révolutionnaire de la Casbah, et ceci après avoir eu des démêlés avec Abane Ramdane. La sagesse de ce dernier, ajoutée aux exigences graves de l'heure (Abane a trouvé dangereux de faire le vide autour de lui en vous écartant suite à votre mission en Suisse qui s'est terminée en queue de poisson) ont fait que le «cow-boy» que vous êtes s'est retrouvé à la tête des «fidaïyne de la Casbah». Est-ce là un axiome ?
Heureusement pour vous, malheureusement pour nous, parce que nos martyrs ne vont pas ressusciter et nous ne disposons pas d'une machine à remonter le temps. Si M'hamed Bougara doit se retourner dans sa tombe, lui qui institua comme règle absolue la démocratie en Wilaya IV- Modèle, et qui, de là où il se trouve, voit maintenant certains faire encore de l'esprit scolastique.
J'ouvre une parenthèse : je dois souligner au passage que vous n'êtes pas le seul dans ce domaine, puisqu'en soutenant mordicus vos assertions, vous vous êtes fait l'épigone de celui qui est atteint de sénilité très avancée.
Notre ancien Président, élu démocratiquement en 1963, vient de renvoyer dos à dos les figures emblématiques du nationalisme. Il soutient que Messali faisait du cinéma, que Boudiaf n'était pas un fin stratège, qu'Aït Ahmed était beaucoup plus Kabyle qu'Algérien, et que Abane Ramdane était comme je ne sais plus quoi encore. La cerise sur le gâteau, le 1er Novembre c'était lui et rien que lui, parce que, semblerait-il, le groupe des 22 c'était encore lui. Qui a souvenance de sa photo parmi le groupe ? En voilà une énorme bourde qui va, on ne l'espère pas, hypertrophier l'histoire. Mais, Bon Dieu, pourquoi toute cette mascarade ? Pourquoi tant de mal ? Je ferme la parenthèse. Il est dérisoire sinon inutile d'espérer chez vous une quelconque présence d'esprit intelligente et surtout responsable, révolutionnaire (encore une fois, j'en doute) là où la conscience vous fait gravement défaut.
A Cherchell, Mme Ighilahriz donna, presque les larmes aux yeux, une sensation du présent à ses souvenirs, comme si les faits remémorés dataient d'hier, sous les hochements de tête approbateurs de Monsieur Benhamouda. En voyant l'expression du visage de l'oratrice (un mélange de joie, de mélancolie, de désespoir, de déception, de rage) une image s'était interposée d'elle-même : celle de mon père à la caserne de Théniet-El-Had (W. IV – Zone III). Il avait le visage plein de plaies sanguinolentes, les lèvres fendues, le corps désarticulé par plusieurs séances de tortures. Il me parla difficilement. A la place de son légendaire sourire, un rictus.
Repentez-vous, Monsieur «le sénateur». Notre Algérie chèrement reconquise a besoin d'aller à l'avant du progrès, elle a besoin de stabilité, de fraternité et d'unité entre ses enfants sous l'œil bienveillant et le baume au cœur d'authentiques révolutionnaires.
Je vous prie, Monsieur Yacef Saâdi, de croire à mon apolitisme et d'accepter mes vifs remerciements pour m'avoir donné l'occasion de défendre les vrais et braves moudjahidine et la mémoire de nos chouhada.


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