Louisette Ighilahriz, 75 ans, ancienne combattante torturée durant la guerre de libération nationale, a durement répliqué ce mercredi 4 mai aux accusations portées contre elle par Yacef Saadi, responsable militaire à l'époque de la Zone autonome d'Alger « Plus d'un demi‑siècle après, M. Yacef Saadi à travers des propos ignominieux, insupportables, insultants et diffamatoires me dénie aujourd'hui le droit de Moudjahida. A-t-il le droit, l'autorité ? », s'est-elle interrogée lors d'une rencontre avec les journalistes à la maison de la presse Tahar Djaout. Dans une conférence-débat sur un documentaire, « Fidaiyett » (combattantes), Yacef Saadi a affirmé ne pas connaître Louisette Ighilahriz. « Elle n'était pas parmi les poseuses de bombes. Et elle n'a pas milité aux côtés de Said Bakel. Said était avec moi, il me l'aurait dit. Je n'ai connu Louisette Ighilahriz qu'après l'indépendance », a-t-il soutenu. Il l'a défiée de montrer des traces de balles sur son corps en l'accusant de vouloir la célébrité. Aujourd'hui, Louisette Ighilahriz a rappelé son parcours qui a commencé avec la grève des lycéens en 1956, ensuite celle des commerçants en 1957 (son père était boulanger à Alger). « Mon père a été arrêté. Moi, j'ai adhéré au réseau de renseignement du FLN. Les réseaux de la Casbah étaient très surveillés. Il fallait transférer certains responsables tels que Said Bakel et Hassan Guendriche pour desserrer l'étau. En août 1957, ma sœur Malika a été arrêtée ainsi que Bakel, Guendriche, Rachid Ferahi et Zahia Taghlit. Le 15 août, les militaires étaient venus m'arrêter, j'ai immédiatement rejoint le maquis du côté de Hamam Elouane-Birtouta », a-t-elle dit. Louisette Ighilahriz a rejoint la zone 2 de la wilaya IV (centre du pays). Après un accrochage fin septembre 1957, Louisette Ighilahriz a été grièvement blessée. « Ils m'ont soignée sommairement et m'ont transférée à la 10e DP. J'y suis restée du 1er octobre jusqu'au 15 décembre 1957. C'était l'enfer. J'ai subi « la question ». C'était tellement dur que je réclamais la mort. L'officier Graziani, qui parlait bien arabe, m'a dit : pourquoi tu luttes ? Il m'a montré la photo de Yacef Saadi et de Zohra Drif en train d'écrire. Il m'a dit : ils se portent bien ! », a-t-elle révélé. Selon elle, Yacef Saadi et Zohra Drif avaient dit aux officiers plus qu'il n'en fallait sur les réseaux de la guerre de libération. Louisette Ighilahriz a été ensuite emprisonnée à Barberousse, à El Harrach puis en France (Amiens, Toulouse, Ajaccio, etc.) Elle a rappelé que la plupart des membres de sa famille ont été arrêtés. « J'ai eu un parcours tumultueux. J'ai fait mon devoir », a‑t‑elle confié. Elle s'est interrogée sur les raisons qui ont poussé Yacef Saadi à tenir des propos hostiles à son égard. « Considère‑t‑il la réalisation du documentaire, « Fidaiyett » comme un empiètement sur son monopole sur la narration historique autour de la guerre de libération nationale dans la zone autonome d'Alger ? Considère‑t‑il cette zone comme son territoire privé ? N'y a-t-il pas eu des failles, des opacités et des zones d'ombre dans le parcours de certaines personnes ? », s'est-elle demandée. Elle a estimé que certaines personnes ont été prises de panique après l'engagement de procès contre des généraux tortionnaires français. Yacef Saadi doit, selon elle, aller jusqu'au bout de ses allégations. « Je n'irai pas jusqu'à me déshabiller devant l'assistance pour le confondre. Mais plus que jamais, je le somme de revenir sur son égarement, de se démettre de son statut de sénateur qui l'abrite sous le manteau de l'impunité parlementaire. S'il ne démissionne pas, il ne sera qu'un lâche ! », a-t-elle lancé avant d'ajouter : « Sois un homme ! Yacef ! Ne te cache pas, sors et viens en face de moi ». Elle a révélé avoir des documents qui seront remis à la justice lors d'un procès qu'elle envisage d'intenter contre Yacef Saadi. Intervenant lors des débats, Fettouma Ouzzegane, ancienne combattante, a accusé Yacef Saadi de n'avoir été qu'un portier durant la guerre de libération nationale. « Il a été retourné par les services suisses et français. La chance qu'il a eue est qu'il était entouré de vrais hommes, de véritables héros. On ne lui faisait pas confiance », a-t-elle accusé.