Les avocats veulent le retrait du projet de loi». Le slogan, inspiré du printemps arabe, est celui scandé, dans la matinée d'hier, sur le perron de la cour d'Alger. Les robes noires d'Alger ont ainsi mis leur menace à exécution. Elles ont boycotté les audiences programmées, hier, à la cour d'Alger, ainsi que dans les cinq tribunaux, Abane Ramdane, Bir Mourad Raïs, El Harrach, Hussein Dey et Bab El Oued. Le bâtonnat d'Alger n'exclut pas un durcissement du mouvement dans le cas où leur revendication n'est pas prise en charge. Marches, grèves cycliques de trois jours et grève illimitée sont ainsi envisagées. Les contestataires n'ont toutefois pas totalement déserté les salles d'audience. Deux avocats ont été délégués, dans chaque instance, par le bâtonnat. Ils étaient en charge de «reporter en bloc» les affaires inscrites. Si certains dossiers ont été renvoyés à huitaine, d'autres ont été reprogrammés pour le mois de septembre. Cette «journée de protestation», à l'instigation du conseil de l'Ordre du barreau d'Alger, a été décidée samedi dernier, à l'issue d'une assemblée générale extraordinaire. L'objet de la discorde est le projet de loi relatif à la profession d'avocat. Le texte a été présenté mercredi dernier par le ministre de la Justice, Tayeb Belaïz, devant la commission des affaires juridiques et administratives et des libertés de l'APN. Ce projet de statut, «liberticide, scélérat, et en total retrait sur les droits de la défense», vise à une «caporalisation» de la justice, s'alarment les contestataires. «Le législateur entend, de par ces lois rétrogrades, mettre la justice et la profession sous tutelle. Et par là même, porter atteinte au droit de la défense, qui s'en trouverait affecté au plus haut point», prévient maître Abdelmadjid Sellini, bâtonnier d'Alger, au cours d'une conférence de presse. Et c'est «l'Etat de droit qui s'en retrouve menacé dans ses fondements», ajoute-t-il. «La majorité de la corporation est opposée à ce texte» «Pourtant, et en dépit des nombreuses oppositions quant à ce projet de loi, le président de ladite commission affirme qu'il est impossible de le retirer», s'indigne Me Sellini. «Ce qui est une contrevérité !», conspuent ses confrères. «L'article 28 du règlement intérieur de l'APN stipule qu'un projet de loi peut-être retiré à tout moment avant le vote des députés», souligne d'ailleurs l'un d'eux, en agitant un imprimé. «L'indépendance de la justice et la liberté des avocats sont menacées. Les lois ne sont pas des textes sacrés, intouchables. Et nous interdisons à quiconque de venir nous donner des leçons de patriotisme», plaide un autre. «La majorité de la corporation est opposée à ce texte de loi. A Alger d'abord, puisque le taux de suivi de la grève est de presque 100%», affirme Me Sellini. L'extension de la protesta à l'ensemble du territoire national n'est cependant pas exclue. «Nous avons d'ores et déjà reçu le soutien de 8 bâtonnats à travers le pays. Ils escomptent appeler des assemblées générales extraordinaires afin de formaliser leur mouvement de contestation», poursuit le bâtonnier d'Alger. Et un durcissement de la protestation est envisagé dans le cas où aucune réponse favorable n'est apportée et le texte de loi pas retiré. «Des marches, des grèves cycliques de trois jours. Et, dans un cas de figure extrême, aller vers une grève illimitée», menace Me Sellini.