Photo : S. Zoheïr Par Younès Djama «Il n'y aura plus d'avocats, que la justice se fasse sans nous !» Cette phrase prononcée par le bâtonnier d'Alger, Me Abdelmadjid Sellini, sonne comme une menace et un défi à l'adresse du ministre de la Justice, garde des Sceaux, qui veut coûte que coûte faire passer son projet de loi portant sur la profession d'avocat. Réagissant à la dernière sortie de Tayeb Belaïz au lendemain de la marche des avocats à Alger, invitant ces derniers à «dialoguer», Me Benissaâd a qualifié cette invitation de tardive. «La logique aurait voulu que le ministre propose un dialogue au moment de la confection du texte (actuellement à l'APN, ndlr). Et dire que le texte date de 2002. Les ministres qui se sont succédé à la tête du département de la justice ont tous échoué à faire passer ce texte rejeté par l'ensemble des avocats. Aujourd'hui, le ministre actuel tente de faire le forcing afin de faire passer ce texte qui s'inscrit en totale contradiction avec la Constitution.» De son côté, Me Fetta Sadat estime que l'invitation de Tayeb Belaïz est une manière de «gagner du temps». Elle pose comme préalable que le ministre «retire d'abord» le texte pour pouvoir, ensuite, dialoguer. «On en a suffisamment dialogué (projet de loi portant profession d'avocat, nldr) ; l'avant-projet de loi est resté tout de même deux ans sur son bureau !» Pour ce membre du bâtonnat d'Alger, il ne s'agit pas seulement de revoir un ou deux articles dans ce texte, mais c'est toute la philosophie du texte qui doit être remise en question. «Il y a une volonté claire de caporalisation et de mise sous tutelle de la profession d'avocat pour n'en faire qu'un simple auxiliaire au service du pouvoir exécutif», estime-t-elle. Interrogé sur les actions que les avocats comptent entreprendre en cas de non-retrait du projet de loi, Me Abdelmadjid Sellini a été on ne peut plus catégorique : «Si tel est le cas (le texte n'est pas retiré), il n'y aura plus d'avocat. Si nous sommes amenés à paralyser le secteur de la justice, nous le ferons. Que la justice se fasse, alors, sans nous !» «Ce statut consacre la répression et l'abus d'autorité (du pouvoir exécutif représenté par le ministre de la Justice, ndlr) sur la profession d'avocat. De quel droit de défense on veut parler ?» «Nous sommes en dehors de toute conception objective du droit à la défense», observe Me Sellini. Mettant en valeur la «démarche responsable» du bâtonnat d'Alger dont il est le chef de file, Me Sellini a indiqué que cette démarche est soutenue par l'ensemble des bâtonnats régionaux – hormis deux –, c'est-à-dire 13 sur 15 bâtonnats à travers le territoire national. Faisant part de bruits selon lesquels le vote du projet de loi par les députés de la Chambre basse du Parlement serait reporté pour la session d'automne, le bâtonnier d'Alger a estimé que le report n'était pas la solution. Me Sellini a révélé, dans ce cadre, qu'il comptait susciter un vote parmi l'ensemble des avocats composant les 13 bâtonniers ayant soutenu la démarche du bâtonnat d'Alger et ce, avant la tenue de l'assemblée générale de l'Union nationale des bâtonniers (UNB) prévue pour la fin septembre prochain. Vendredi 1er juillet, les 15 bâtonniers du pays se sont réunis à Alger sous la présidence du bâtonnier national, Me Lanouar Mostefa, et ont décidé à l'unanimité de tenir une AG fin septembre en vue d'examiner l'avenir de la profession à la lumière du texte de loi.