En 2009-2010, la production mondiale d'huile a atteint 142 millions de tonnes pour une production de 420 millions de tonnes de graines de différentes espèces : Le palmier à huile (Elaeis guineensis) étant une plante tropicale est une culture pérenne de durée de vie moyenne de 30 ans, il produit une huile à haute teneur en acides gras saturés, c'est la moins chère sur le marché ; il reste 5 espèces annuelles, constituant alors 60% de la production mondiale, c'est pour cette raison que l'on s'intéresse de plus en plus à trouver d'autres plantes susceptibles de fournir des lipides à usages industriel ou alimentaire. La demande en huile végétale évolue constamment et est assurée principalement par les grands producteurs que sont les USA, l'UE, le Brésil, la Chine, l'Inde, l'Argentine, l'Indonésie, la Malaisie et la Russie. En Algérie, si on prend comme référence une consommation moyenne de 12 litres d'huile par habitant par an, pour une population de 36 millions d'habitants, les besoins seraient de 432 000 tonnes par an. En 2011, c'est la totalité de ces huiles qui est importée sous forme d'huiles brutes qui sont raffinées en Algérie. Avant la suppression de la culture de certaines plantes oléagineuses durant la décennie 1980, on cultivait du tournesol et du carthame et la trituration se faisait localement. Avec ce type d'importation, nous perdons un produit de valeur, «le tourteau», qui à son tour sera importé séparément pour satisfaire les besoins alimentaires des animaux d'élevage (aviculture et élevage bovin). C'est ainsi qu'un pays d'Europe trouve en l'Algérie un grand pays importateur, bon client qu'il faut à tout prix fidéliser. Les bonnes intentions de développer les cultures de colza et de tournesol en Algérie sont toujours au stade étude et ce, depuis 2003 ! Outre la dépendance totale de l'étranger, un autre problème, et non des moindres caractérise cette filière : le manque d'information sur les huiles disponibles en Algérie ; il est du droit du citoyen-consommateur de connaître l'origine de l'huile qu'il achète et ses caractéristiques pour une utilisation judicieuse. Les huiles végétales ont des compositions différentes selon les espèces et leur mode d'obtention, il y va de la santé de la population. Dans les pays développés, on consomme des huiles riches en antioxydants et de plus en plus des huiles non raffinées et de première pression à froid. Ces huiles diminuent le LDL-cholestérol dans le sang et permettent la prévention contre les maladies cardiovasculaires. Selon la plante, on peut avoir une huile à forte teneur en acides gras saturés et d'autres à des teneurs élevées en acides gras mono ou polyinsaturés. Les meilleures huiles sont celles qui présentent ces trois types d'acides gras à des teneurs équilibrées (1/3 chacun). Les huiles à teneur élevée en acide gras insaturés sont à privilégier, car elles diminuent le taux de cholestérol et contiennent des acides gras essentiels (oméga 3 et oméga 6) que l'organisme ne peut synthétiser. A titre indicatif, nous donnons les teneurs de quelques huiles de différentes plantes oléagineuses : INTERETS DE DEVELOPPER LES CULTURES OLEAGINEUSES EN ALGERIE Etant confrontée à la problématique de la sécurité alimentaire, l'Algérie se doit de se préoccuper de la réintroduction de ces cultures pour plusieurs raisons ; on peut en citer quelques unes : -1- la demande mondiale en augmentation constante des huiles et des tourteaux pour cause de démographie et de niveau de vie ; -2- les conditions climatiques (sécheresse, inondations…) perturbant la production dans les pays exportateurs ; -3- la spéculation au niveau des marchés mondiaux ; -4- la rétention et la reconstitution des stocks ; -5- la hausse significative des prix du pétrole ; -6- l'utilisation de plus en plus importante de ces huiles alimentaires comme agrocarburant par les pays d'Europe et d'Amérique non producteurs d'énergie fossile (beaucoup d'agriculteurs utilisent directement l'huile de colza, diester, pour faire rouler leurs engins sans aucune modification) ; l'argument invoqué est que cette énergie est renouvelable et moins polluante. CULTURES POSSIBLES EN ALGERIE Si le tournesol et le carthame étaient cultivés dans un passé récent, le cotonnier l'était aussi, il a été introduit en Algérie au 8e siècle, en 1967 plus de 4000 ha étaient cultivés dans les régions de Annaba, Chlef et Mostaganem. Le colza et le soja ont fait l'objet de plusieurs essais durant plusieurs années dans les périmètres du Haut Cheliff, de la Mitidja, de Mohammadia et de Annaba. Sous climat subhumide, en Kabylie (ITMAS de Boukhalfa) plusieurs essais factoriels menés ces dernières années confirment les potentialités de ces cultures tant sur le rendement en huile qu'en richesse en protéines. Les raisons invoquées pour justifier l'abandon des cultures oléagineuses sont diverses, allant du manque de ressources hydriques à l'inexistence d'unités de trituration. Dans les pratiques de l'agriculture moderne et intensive, la recherche agronomique a mis au point les techniques et les moyens d'adaptation pour maintenir des rendements optimums dans toutes les situations. Pour toutes les espèces, il ya des gammes de variétés résistantes à la sécheresse. Des génotypes adaptés à des conditions de basses températures peuvent être semés précocement pour «esquiver» la période de déficit hydrique. Les densités et les dates de semis sont aussi des facteurs qui permettent de lutter contre la sécheresse. Les techniques culturales jouent aussi un rôle important dans l'évapo-transpiration. Dans cette contribution pour la réhabilitation des cultures oléagineuses, on propose, et ce, dans un souci de diversité et de moindre risque 5 cultures qui peuvent convenir sous les différentes régions écologiques en Algérie. Dans les plaines intérieures à pluviométrie supérieure à 600 mm, le colza, le soja et le cotonnier peuvent être conduits en régime pluvial. Au niveau des Hauts-Plateaux où la pluviométrie est de 400 mm et plus, c'est le tournesol et le carthame qui répondent aux conditions de ce milieu. Comme toutes les cultures, et face aux aléas climatiques, en cas de sécheresse printanière, une ou deux irrigations de 40 mm chacune au stade floraison associées à une fertilisation raisonnée assurent un rendement minimal. -1- Le colza : Brassica napus – famille des crucifères, produit l'une des meilleures huiles à consommer quotidiennement, elle présente le meilleur profil en acides gras. Les résidus des graines constituent un tourteau riche en protéines. Le colza est semé à partir d'octobre pour les variétés d'hiver et de janvier à février pour le colza de printemps. Durant son cycle végétatif qui est de 120 jours pour les variétés de printemps, il se suffit de 500 à 600 mm d'eau. Les rendements potentiels sont 35 qx/ha, la teneur en huile des graines est de 32 à 40 %. -2- Le soja : Glycine Max L. Merill. C'est une plante appartenant à la famille des légumineuses, sa teneur en huile est de 20-22 %. Considérée comme «plante miracle», elle ne cesse de faire l'objet d'amélioration génétique pour ses nombreuses utilisations : huile, lait de soja, germes, sauce de soja, farines et graines consommées au même titre que les légumineuses alimentaires comme substitut des viandes. Le tourteau issu de la trituration est riche en protéines et la culture est un bon précédent cultural car laissant des reliquats importants d'azote dans le sol. Les USA fournissent 60% de la production mondiale et sont les premiers exportateurs de graines. Les essais menés depuis longtemps en Algérie ont montré que la durée du cycle végétatif peut être réduite à 90 jours avec des rendements supérieurs à 30 qx/ha. -3- Le cotonnier : plante de la famille des malvacées, du genre Gossypium ; plusieurs espèces sont cultivées : G. hirsutum, G. arboreum, G. herbaceum, le plus cultivé est G. barbadense pour sa fibre qui peut atteindre 60 mm. C'est une plante à double utilisation, elle est à la fois oléagineuse et constitue la première plante textile au monde. Les graines de cotonnier ont une teneur en huile de 20%. Les fibres et le duvet (ou linter) servent à fabriquer les textiles, le coton et ont une large utilisation en industrie (fabrication de coton, savons, fulmicoton, etc.). La culture de cotonnier demande 700 mm d'eau durant son cycle avec un avantage énorme : elle est très tolérante à la salinité. -4- Le tournesol : Helianthus annuus appartient à la famille des composées. La teneur en huile des différentes variétés varie de 40 à 60%, elle est d'excellente qualité diététique. Le tourteau est l'un des meilleurs en raison de sa forte teneur en matières azotées totales qui est de 45-55%. La plante produit une importante biomasse et peut servir de fourrages, d'amendement organique. Semé généralement en février à une dose de 8 kg/ha pour un peuplement de 60 000 plants/ha, sa culture dure 110 jours en Algérie. Si le rendement est de 30 qx/ha, ce sont plus de 15 quintaux d'huile et autant de tourteaux produits par hectare. Ses exigences en eau sont de 400 à 500 mm, c'est une plante qui résiste bien au stress hydrique. -5- Le carthame : Carthamus tinctorius de la famille des composés a été introduite en Algérie en 1975 dans le cadre d'un projet avec la FAO (Alg 75/023) pour le développement des oléagineux d'une part, et d'autre par pour lutter contre la jachère. Cette plante se suffit de 400 mm d'eau par an. Sa teneur en huile varie de 40 à 42% chez les variétés américaines avec un taux d'acides gras saturés ne dépassant pas les 8% ; elle est riche en vitamine E. Le tourteau a une teneur en protéines de 36%. Plante rustique, le carthame n'est pas exigeant en intrants, la durée de son cycle végétatif sous nos climats va de 80 jours pour les variétés précoces à 120 jours pour les variétés tardives. Aux USA, les rendements atteignent 40 qx/ha. Les débouchés des cultures oléagineuses se sont diversifiés (industrie, pharmacie, énergie…) et ceci renforce la tendance à la hausse de la demande ; beaucoup de pays se sont fixé des objectifs de remplacement de carburants fossiles par des agrocarburants, ce qui entraînera à coup sûr une crise de ces produits. Afin d'amorcer une autosuffisance nationale en produits agricoles, les modes de production de l'agriculture algérienne doivent évoluer et prendre en compte les attentes des consommateurs, la demande des filières et la durabilité des systèmes de production.
M. S. Cherfaoui. Enseignant Faculté Agro-Bio Université Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou