Les forces de l'Alliance atlantique ont multiplié les raids sur la capitale ces derniers jours, s'efforçant notamment de frapper la résidence du colonel El Gueddafi, ainsi que les «centres de commandement militaires» de son armée. Mais cinq mois après le début de la révolution, le leader libyen semble toujours indéboulonnable et les deux camps figés dans un inconfortable statu quo. Ce qu'a admis à demi-mot lundi le chef d'état-major interarmées américain, l'amiral Michael Mullen, lors de sa toute dernière conférence de presse avant son départ à la retraite. «Nous sommes, de manière générale, dans une impasse», a-t-il reconnu. Alors combien de temps la guerre pourrait-elle durer encore ? L'amiral Michael Mullen ne donnera aucune échéance. Il a suggéré néanmoins que l'offensive atlantiste contre le régime pourrait durer et qu'il s'agit de la seule façon de déloger El Gueddafi. «Les raids de l'Otan ont considérablement amoindri» les forces du colonel El Gueddafi et ont constitué «une pression supplémentaire» sur l'armée loyaliste, a-t-il relevé. «A long terme, je pense que c'est une stratégie qui fonctionnera et permettra de chasser El Gueddafi du pouvoir», a-t-il affirmé. La sortie de M. Mullen peut aussi vouloir dire que l'Otan ne serait pas contre l'idée d'une solution politique au conflit libyen, surtout que les forces engagées sur le terrain ont atteint leur niveau de surchauffe. Le retrait par la Norvège et l'Italie de certains de leurs appareils du conflit n'est pas fait pour arranger les affaires de la France et de la Grande-Bretagne, les deux principaux pays qui forment actuellement la coalition anti-Gueddafi. Le chef du Conseil national de transition (CNT), Moustafa Abdeljalil, avait estimé dans une interview accordée dimanche au Wall Street Journal que «la guerre s'achèvera par l'une de ces trois façons. El Gueddafi se rendra, il fuira la Libye ou il sera tué ou capturé par l'un de ses gardes du corps ou par les forces rebelles». Mais selon les analystes militaires, les insurgés, en dépit de l'appui de l'OTAN, n'ont pas réellement les moyens de conquérir Tripoli et comptent plus que jamais sur une révolte de palais parmi les proches du «guide» libyen. La tendance pourrait néanmoins se renverser à long terme, dans la mesure où Benghazi commence à bénéficier d'un soutien militaire et logistique de plus en plus important de la part des pays membre de l'OTAN. Pas loin qu'hier, la Turquie a effectué une première livraison de carburant aux insurgés, dans le cadre d'un contrat d'approvisionnement passé avec le Conseil national de transition (CNT). Dix mille tonnes de carburant ont été livrées par des tankers jusqu'à présent par la compagnie turque TPIC, filiale de la compagnie nationale de prospection TPAO, et 18 000 tonnes seront livrées prochainement. A Londres, les chefs de la diplomatie britannique, William Hague, et français, Alain Juppé, ont cherché lundi à dissiper l'ombre des dissensions apparues entre les deux pays la semaine dernière en se disant «absolument unis» sur le dossier libyen. «Nous pensons qu'il faut continuer à exercer une forte pression sur le régime libyen», a déclaré M. Juppé. «El Gueddafi peut rester en Libye» Quant à l'épineuse question de l'avenir du dirigeant libyen, M. Hague a estimé que «ce qu'il advient d'El Gueddafi est au final une question qui revient aux Libyens». «Quoi qu'il arrive, El Gueddafi doit quitter le pouvoir. Il ne doit plus jamais pouvoir menacer la vie de civils libyens», a-t-il ajouté. Cela veut-il dire qu'un compromis politique est en train de se dessiner ? Difficile à dire. Les choses semblent avoir quand même évolué depuis le début de la crise. La preuve : Benghazi ne réclame plus le départ de Libye d'El Gueddafi et de sa famille. M. Abdeljalil, interrogé à ce sujet, a pour sa part jugé que «El Gueddafi peut rester en Libye, mais sous certaines conditions». «Nous déciderons où il résidera et qui le surveillera. Les mêmes conditions seront valables pour sa famille», a-t-il indiqué. A signaler que le ministre libyen des Affaires étrangères, Abdelati Obeidi, a rencontré hier, à Tunis, son homologue tunisien Mohamed Moudli Kéfi. La rencontre a duré plus d'une demi- heure et a été entourée d'une grande discrétion. Le ministère tunisien, dont le pays n'a pas reconnu le CNT, n'a pas souhaité communiquer ni sur la visite ni sur le contenu des discussions. Au sortir de l'entretien, qui a eu lieu au ministère des Affaires étrangères, M. Obeidi interrogé par les journalistes s'est abstenu de tout commentaire et a refusé de se laisser prendre en photo. Le chef de la diplomatie libyenne, dont la visite n'avait pas été annoncée, était arrivé samedi du Caire et devait quitter Tunis aujourd'hui, a-t-on appris de source diplomatique. M. Obeidi, engagé dans des négociations sur l'avenir de la Libye, avait séjourné en juin à Djerba, pour «négocier avec plusieurs parties étrangères» de l'avenir de la Libye, avait alors indiqué l'agence officielle TAP, sans désigner ces parties. «La Tunisie souhaite une solution pacifique en Libye dans les plus brefs délais», avait indiqué le ministre tunisien des Affaires étrangères récemment en visite à Alger. «La solution militaire ne sert ni la Libye ni ses voisins algériens et tunisiens, car elle comporte des dangers (…)», avait-il ajouté à l'issue d'entretiens avec son homologue algérien, Mourad Medelci.