El Gueddafi reste indéboulonnable et toute sortie de crise semble devoir passer par lui Le stand-by perdure et les antagonistes libyens ne parviennent ni à entamer un dialogue aux fins d'une sortie de crise ni à contrôler militairement la situation. Cinq mois après l'intervention de l'Alliance atlantique (l'Otan) en Libye, le statu quo est de mise. L'enlisement est marqué par l'affaiblissement évident tant du camp d'El Gueddafi que de celui de la rébellion, et la coalition internationale qui se retrouve aujourd'hui dans une impasse. Après un acharnement sans précédent, des puissances occidentales sur le régime libyen et leur promesse de débarrasser la Libye d'un dictateur sans scrupules et de libérer le peuple libyen, les choses n'évoluent pas dans le sens qu'ils voulaient. La cause du non-aboutissement de la stratégie occidentale, sous le commandement de la France, des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne dans un premier lieu, puis relayés par l'Otan, est incontestablement le refus du leader libyen, El Gueddafi, d'abdiquer devant les rebelles et leurs alliés. Effectivement, et contrairement à Zine El-Abidine Ben-Ali et à Hosni Moubarak, l'intimidation et les attaques des rebelles n'ont pas eu raison de l'obstination du colonel El Gueddafi. La création d'une zone d'exclusion aérienne, organisée et garantie par les pays membres de l'Otan les plus actifs et les plus engagés dans ce conflit, après la levée du blocage (au niveau du Conseil de sécurité de l'Onu) russe et chinois défavorables aux ingérences dans les affaires intérieures d'un pays, a toutefois été, et l'est toujours, d'un apport incontestable pour la rébellion. Le soutien aérien des forces de l'Otan à l'avancée des rebelles leur a permis de gagner du terrain et de le conserver. Le pays s'était même retrouvé partagé en deux zones, l'une sous l'autorité des loyalistes pro-El Gueddafi, l'autre (à l'est du pays) sous le contrôle des milices rebelles. Il faut être réaliste et objectif en même temps. Il est évident que sans l'intervention des Occidentaux, la rébellion aurait pris une tout autre tournure. El Gueddafi n'aurait eu aucun mal à aller au bout de la contestation pacifique ou armée soit-elle. Face à une situation quelque peu embarrassante pour la coalition internationale, qui a, en dehors du soutien militaire, favorisé la création d'un Conseil national de transition (CNT), reconnu par certaines puissances comme étant l'organe politique représentatif du futur nouveau gouvernement libyen, une solution plutôt politique semble s'imposer comme alternative à la victoire militaire attendue. Or, le problème dans cette approche réside dans le refus des membres du CNT d'entamer quelque négociation que ce soit avec les autorités libyennes avant le départ d'El Gueddafi et de ses fils. Une condition sine qua non pour la rébellion, le colonel doit quitter le pays ou se rendre tout en assurant qu'il renonçait à jamais à toute activité politique. De son côté, El Gueddafi refuse catégoriquement de se sauver ou de quitter le pouvoir. Il est prêt à se battre jusqu'au bout, jusqu'à la mort si nécessaire, ne cesse-t-il d'affirmer. Au plan diplomatique cela aboutit à une impasse! Entre-temps, les combats se poursuivent et des civils meurent tous les jours depuis cinq mois. Obsession, mépris ou crainte! Là est la question. Pourquoi cet acharnement à l'encontre d'El Gueddafi? N'est-il pas la personne légalement apte à négocier des accords de paix avec le CNT? Pourquoi freiner les tentatives de rapprochement politique par les voies diplomatiques en imposant des conditions préalables à toutes négociations? Occidentaux et rebelles veulent à tout prix la tête d'El Gueddafi, ils s'obstinent à faire quitter le pouvoir à un homme que, pour le moment, ils ne parviennent pas à vaincre militairement. La seule solution envisagée par le CNT et ses sympathisants, est la victoire du CNT. «La guerre s'achèvera par l'une de ces trois façons. El Gueddafi se rendra, il fuira la Libye ou il sera tué ou capturé par l'un de ses gardes du corps ou par les forces rebelles» avait estimé dans une interview accordée dimanche au Wall Street Journal, le chef du Conseil national de transition (CNT), Moustafa Abdeljalil. Celui-là même qui a accompagné El Gueddafi durant des décennies. Mais pour le moment, et après cinq mois de lutte et de combats interminables, l'offensive des rebelles libyens pour se rapprocher de Tripoli marque le pas. Le plus haut gradé américain, le chef d'état-major interarmées, l'amiral Michael Mullen, lors de sa toute dernière conférence de presse avant son départ à la retraite a estimé que l'Otan était actuellement dans une «impasse» en Libye, même s'il dit rester optimiste sur le «long terme». Les forces de l'Alliance atlantique ont multiplié les raids sur la capitale ces derniers jours, s'efforçant notamment de frapper la résidence du colonel El Gueddafi, ainsi que les centres de commandement militaires de son armée. Mais cinq mois après le début de la révolution, le leader libyen semble indéboulonnable et les deux camps figés dans un inconfortable statu quo.