D'habitude prompt à aller au charbon, Ouyahia s'est soudainement muré dans le silence le plus total alors que le bateau Algérie fait eau de toutes parts. Aucun mot sur la situation chaotique vécue par les opérateurs économiques nationaux suite aux restrictions imposées par la loi de finances complémentaire aux modes de paiement des importations. Aucune explication sur les revirements opérés par la suite. Les investisseurs étrangers, eux, n'ont pas entendu une voix rassurante sur leur avenir en Algérie. Les investisseurs potentiels sont dans l'expectative. Pénalisées par la suppression du crédit à la consommation, les couches moyennes n'ont pas eu l'explication nécessaire au sacrifice qui leur a été imposé : quel est leur degré de responsabilité dans l'hémorragie des devises que connaît le pays ? Alors que septembre est bien entamé, le Premier ministre n'a pas publiquement ouvert les dossiers brûlants de la rentrée, notamment ceux liés à la paupérisation envahissante dans le pays et aux grandes réformes en mal d'avancées, dans un climat général de démobilisation, d'inflation galopante et de grands scandales liés à la corruption. Ce silence d'Ouyahia peut avoir une explication dans le nouveau statut que lui a fixé la Constitution rénovée : du rang de chef de gouvernement il a été relégué à celui de Premier ministre, ce qui lui a réduit considérablement sa marge de manœuvre, son efficacité et ses ambitions. Ouyahia n'a plus de prise sur la stratégie économique – et politique – dévolue au seul chef de l'Etat en droit de lui imposer ce qu'il veut, en premier les ministres de la République. C'est un secret de Polichinelle qu'Ouyahia est contraint depuis quatre mois de « cohabiter » avec des ministres qu'il n'aime pas. Simple coordinateur de l'activité gouvernementale, le Premier ministre n'a pas les coudées franches pour s'adresser à l'opinion publique, en d'autres termes prendre des engagements politiques forts. Seul Bouteflika est en mesure de le faire, mais celui-ci ne s'implique plus dans les débats publics, sauf durant les campagnes électorales. Entre les élections, il a fait le choix de s'adresser aux Algériens essentiellement par des messages et des déclarations que les médias lourds doivent scrupuleusement répercuter. Le degré zéro de la communication dans un pays où la population, généralement peu instruite et de tradition orale et visuelle, est davantage sensible aux échanges directs et aux propos tenus sans ambages. Par tempérament, les Algériens aiment qu'on leur parle droit dans les yeux, avec le langage de la vérité, quitte à ce qu'ils soient bousculés. La politique, ils ne la voient pas autrement.