Le travail des enfants prend de l'ampleur à Alger durant le mois de Ramadhan. Dans les marchés populaires, les arrêts de bus ou autres lieux publics, des mineurs profitent de leurs vacances d'été pour subvenir à leurs besoins et préparer la rentrée scolaire. Certains exercent dans des étals de fruits et légumes, d'autres vendent au marché informel des «diouls», des galettes ou des bouteilles d'eau. Si ce phénomène n'est un secret pour personne depuis le début de l'été, le nombre de chérubins qui investissent les marchés populaires depuis le début du mois de Ramadhan connaît une hausse inquiétante. Certains parlent du désir de gagner de l'argent pour s'acheter des «vêtements de luxe» à la rentrée scolaire, d'autres évoquent des contraintes familiales. Mais une partie des jeunes commerçants semble travailler pour des réseaux douteux, qui abusent de leur innocence pour fructifier leur commerce. A la cité les Bananiers, dans la commune de Mohammadia, de petits vendeurs ont affirmé qu'ils travaillent pour un «fabricant situé à El Harrach». Le producteur, croit-on savoir, préfère employer des gamins pour mieux écouler sa marchandise, tout en leur octroyant des salaires misérables. A la rue Tanger, au marché Clauzel, à La Casbah, des enfants, pas plus hauts que trois pommmes, munis de couffins, proposent des galettes à longueur de journée. Certains passent des heures sous la chaleur et ne rentrent chez eux qu'une fois leur marchandise vendue. «C'est ma mère qui prépare el matloue, une unité coûte 30 DA», dira une fillette rencontrée au marché Djamaâ Lihoud, à La Basse Casbah. «Parfois, je parviens à tout écouler en quelques heures, souvent, je suis obligée de ne quitter le marché qu'à l'adhan d'El Maghreb, faute d'acheteurs», ajoute-t-elle. Des dizaines, voire des centaines d'enfants dont le budget familial est intimement lié à leur activité souffrent au niveau de la première ville du pays. Ils ne bénéficient ni de vacances ni de repos durant l'été et travaillent au su et au vu de tout le monde. A la place des Martyrs, a-t-on constaté, d'autres enfants vendent des sachets, des ustensiles de cuisine et autres articles ménagers. «Ils viennent quotidiennement, il font partie du décor du marché. Certains d'entre eux dorment dans la rue, ils ont fui leurs familles», nous dira un riverain d'un marché à Belouizdad. Mais le phénomène le plus en vogue est celui de la vente d'eau, de journaux et de bonbons dans les stations de bus. En été, cette activité est réservée dans bien des stations urbaines aux petits enfants. «Ils sont issus de familles nécessiteuses et sont ici pour gagner de quoi aider leurs mamans», nous dira un receveur de bus, rencontré à Tafourah. Notre interlocuteur précisera néanmoins «que les petits vendeurs ont changé d'activité durant ce mois de jeûne», car «les gens ne consomment plus». Aussi, on apprend auprès de citoyens que «ces commerçants mineurs sont souvent issus de quartiers défavorisés et quittent l'école prématurément.» Mais, ce dont on est sûr, c'est que ces vendeurs mineurs sont victimes de leur situation sociale et/ou d'individus sans vergogne qui les exploitent en l'absence d'une réelle politique de sauvegarde de l'enfancee.