Le répertoire de chanteurs algériens de toutes confessions a été revisité par Salah Gaoua avec cette voix langoureuse étouffée par l'évocation. Chanteur et acteur éprouvé, Gaoua est revenu, plus d'une année après la tenue de son premier spectacle au CCF d'Alger, pour interpréter dans la soirée de dimanche les mêmes chansons du patrimoine, mais cette fois dans les jardins du centre qui se sont avérés trop exigus pour accueillir les nombreux spectateurs venus plusieurs minutes avant le début du spectacle. Le moindre empan fut occupé et l'ambassadeur de France à Alger fut aussi de la fête, de celle qu'on n'oublie pas de sitôt. Gaoua a interprété des chansons par lesquelles se sont fait connaître des artistes qui se côtoyaient en Algérie. Blond blond, Lili Boniche, Lili Abasi, Reinette l'Oranaise, Ahmed Ouahbi, Cheikh El Hasnaoui… tous étaient là, la frimousse riante, l'espace d'un concert. Chacun d'eux représentait un genre et une région du vaste pays. La France était le point de chute de certains, mais l'exil fut ce destin auquel ont été astreints tous ou presque. Salah Gaoua saura choisir du répertoire de tout un chacun une chanson qui exprime le désarroi, l'amour contrarié, l'exil et un attachement à une terre qui a vu naître des communautés déchirées par l'histoire. Alger Alger, Dour biha ya chibani, Chihlet Laâyani, Fat eli fat, Adjini, autant de chansons toujours fredonnées par de nombreux mélomanes. Après une résidence au Centre culturel français d'Alger en septembre 2008, Salah Gaoua a organisé des concerts en France avec un concept, assure-t-il, novateur : faire sienne le répertoire judéo-arabo-berbère. Gaoua, par cette manière toute particulière, tente de faire revivre de ce côté-ci de la Méditerranée une musique et des interprètes qui ont perpétué des genres musicaux. Des musiciens algériens et hexagonaux dont le parcours ne prédispose pas à faire de la musique orientale ont accompagné Gaoua. L'artiste le plus emblématique d'un patrimoine que l'on a essayé des deux côtés de la Méditerranée de refouler est Lili Boniche, chanteur juif qui a retrouvé son public, au début des années 1990 pour ne plus s'en séparer qu'après sa mort en 2008. Vivant à Paris, l'artiste, dont les parents sont originaires d'Akbou (Béjaïa), est resté sur ses vieux souvenirs qui lui feront évoquer des moments vécus dans sa terre perdue et sa capitale chérie. Avec des chansons en « fracarabe », patois proche du pataouète des habitants de Bab El Oued et de sa Casbah natale, Boniche a gardé, même au soir de sa vie, la faconde de ses aînés. Il fera revivre un patrimoine à jamais révolu et des tonalités que l'on ne retrouvera plus jamais.