-Quelles sont vos observations générales sur le déroulement de l'enquête menée par le TSL et la publication complète de l'acte d'inculpation ? On peut supposer beaucoup de questions sur la façon dont la commission internationale a travaillé avant la création du TSL en 2006. Trois procureurs se sont succédé à sa tête, dont l'actuel est le Canadien Daniel Bellemare. Il y a eu ces trois phases, dont la première a été un scandale absolu, qui a démarré en juin 2005 avec le juge allemand, Detlev Mehlis, qui avait alors dressé une enquête à charge contre la Syrie, sur la base de témoins achetés qui se sont ensuite rétractés. Le juge allemand, qui était à la tête de la commission internationale, avait travaillé avec la CIA et le Mossad, qui sont des acteurs régionaux importants, non partials, juges et partie prenante. C'était une enquête politiquement et idéologiquement orientée, qui a discrédité le TSL et la justice internationale. Le juge Detlev Mehlis est parti avant le terme de son mandat sans rendre de compte, en rasant les murs. C'est un passif important qu'il ne faut pas oublier. A la suite de cela, le secrétaire général de l'ONU a nommé un autre juge, le Belge George Bremer, qui, lui, a travaillé le plus sérieusement possible. Il a complètement tourné la page pour reprendre l'enquête à zéro tout en n'écartant aucune piste. Il s'est écarté de la thèse syrienne pour se pencher sur la thèse salafiste avec des exécutants du camp palestinien de Aïn El Hilweh au sud du Liban. Le juge actuel a fait une synthèse de ses prédécesseurs, sur la base d'informations très partielles et partiales. Il a exploité des écoutes téléphoniques pour accuser les membres du Hezbollah qu'on connaît maintenant nominativement. -Quel impact peut avoir l'implication de membres du Hezbollah ? Comme l'a dit Hassan Nasrallah, on peut s'interroger sur la partialité de l'enquête, partielle. L'acte d'accusation ne révèle pas la fabrication du crime, ses motivations et ses causes profondes. On est un peu gêné par cet acte d'accusation, qui paraît politisé, dans un contexte de «révolutions arabes», et dans une région où le Hezbollah et l'Iran occupent une certaine place. Il y a six mois, Nasarallah avait montré, preuve à l'appui, que des drones Hawak israéliens avaient survolé les lieux de l'attentat. On peut se demander pourquoi plus en amont, les services israéliens n'ont pas été inquiétés par les différentes enquêtes. Le juge Danièle Bellemare avait dit qu'il retournerait «toutes les pierres du chemin» mais cela n'a pas été fait. Les éléments israéliens dans l'enquête méritaient d'être examinés de manière aussi précise. Cela pose la question de la manière avec laquelle a travaillé le TSL, à base de preuves indirectes et d'interprétations très orientées de faits très anciens que tout le monde connaît. Si la publication de cet acte intervient cette semaine, on peut se poser des questions en termes de calendrier. Celle-ci intervient après la nomination de Najib Mikati au gouvernement qui comporte des éléments du Hezbollah et qui est en phase avec le gouvernement syrien. Le calendrier n'est pas innocent. Il tombe en pleine crise syrienne et dans une configuration des mal nommées «résolution arabes». Alors même que cet acte d'accusation est connu et finalisé depuis plusieurs mois. C'est une façon d'affaiblir ce que les néoconservateurs américains ont appelé «l'axe du mal», dont font partie le Hezbollah, la Syrie et l'Iran. Ce qui arrive est un discrédit de la justice internationale. Quand on voit qu'elle travaille aussi mal, comment peut-on évoquer l'avenir des tribunaux ad hoc ?