L'expert maritime qui avait révélé la mystérieuse disparition du cargo Arctic Sea, détourné en mer Baltique et libéré par la marine russe au large de l'Afrique après une longue épopée, a quitté la Russie, se disant menacé par des « gens très sérieux ». Le rédacteur en chef du bulletin maritime Sovfrakht, Mikhaïl Voïtenko, a expliqué, jeudi au téléphone depuis Istanbul, qu'il avait pris « le premier avion » mercredi, après avoir reçu, la veille, un coup de fil de « gens travaillant dans l'intérêt de l'Etat ». « Ils m'ont dit qu'il y avait des gens très sérieux derrière cette histoire (de l'Arctic Sea, ndlr), qu'ils sont furieux (...) qu'ils veulent se venger », a expliqué M. Voïtenko. L'expert a ajouté être parti « pour trois ou quatre mois », le temps que l'affaire se tasse, sur les conseils de ses interlocuteurs qui disent vouloir éviter l'arrestation de M. Voïtenko et « un nouveau scandale ». « Ils m'ont dit qu'ils ne pouvaient pas arrêter ce qui a été lancé contre moi », a déclaré M. Voïtenko qui, le 8 août dernier, avait annoncé la disparition de l'Arctic Sea, déclenchant une opération de recherche internationale à laquelle une vingtaine de pays ont participé. Visiblement inquiet, l'expert maritime avait déjà appelé, le 29 août, la presse à ne pas chercher à contacter les onze marins de l'Arctic Sea revenus en Russie et un temps placés en détention, craignant pour leur sécurité. M. Voïtenko s'est de nouveau dit « sûr » que l'Etat russe joue un rôle central dans le mystère entourant ce navire qui officiellement transportait du bois, mais dont la cargaison fait l'objet de toutes les conjectures après avoir été capturé par des pirates le 24 juillet dernier dans les eaux suédoises. Le bateau a finalement été arraisonné à la mi-août par la marine russe au large du Cap-Vert, dans l'Atlantique, mais aucune explication convaincante n'a été donnée par les enquêteurs russes sur les raisons de son détournement. La presse russe a émis plusieurs théories, mais elle s'accorde en général à dire que l'Arctic Sea transportait probablement des armes. Les commentaires des autorités russes sur le sujet n'ont fait qu'entretenir le mystère. Le chef du comité d'enquête du Parquet, Alexandre Bastrykine, a en effet déclaré, dans une interview publiée le 26 août, ne pas exclure que « l'Arctic Sea n'a pas transporté que du bois ». Mais quelques heures plus tard, un communiqué du même comité venait tempérer ces propos : « Les informations publiées par des médias étrangers et russes sur une prétendue mission secrète de l'Arctic Sea (...) ne correspondent pas à la réalité. » De son côté, le général Nikolaï Makarov, chef d'état-major de l'armée russe, reconnaissait le même jour que le problème de la cargaison du navire devait « être clarifié ». Pour ne rien simplifier, les pirates présumés, en détention provisoire à Moscou, ont refusé de reconnaître leur culpabilité, affirmant que c'est le commandant de l'Arctic Sea, un navire battant pavillon maltais, qui les avait retenus. L'Arctic Sea, avec un équipage réduit de quatre marins dont le capitaine, navigue actuellement vers Novorossisk, port russe de la mer Noire, où il est attendu d'ici à la fin de la semaine prochaine.