Il suffit de se rendre chez quelques poissonniers du centre-ville de Skikda pour constater que les prix affichés ne sont guère à la portée de tous les ménages. Le kilogramme du merlan varie entre 560 et 650 DA, le prix de la crevette royale ne descend plus en dessous de 800 DA et la sardine est cédée à 120 DA. Ceci peut paraître invraisemblable au moment où le programme de la relance économique bat son plein dans la wilaya de Skikda qui a bénéficié, à elle seule, du quart de l'enveloppe financière nationale consentie au profit du secteur de la pêche. A ce sujet, les chiffres avancés par la direction de la pêche de la wilaya de Skikda parlent d'eux-mêmes et traduisent la mue vécue par le secteur. Au cours de l'année écoulée, le nombre de dossiers déposés s'élevait à 409 comprenant 446 projets dont le coût d'investissement est de 7 milliards de dinars ... 139 projets ont d'ores et déjà reçu une décision définitive d'octroi de 8,6 millions de dinars à titre de subventions. Concernant la concrétisation de ces projets, la direction de la pêche fait état de 38 projets réalisés dont 24 à 100% pour un montant consommé de 2,7 millions de dinars. Ces projets consistent plus précisément en l'acquisition de deux sardiniers, trois chalutiers, l'obtention de dix petits métiers et le financement de 9 projets de réhabilitation pour un montant total de 8,3 millions débloqués par l'Etat. Selon le directeur de la pêche de la wilaya de Skikda, « l'impact du programme de la relance économique s'est traduit par une hausse de la production évaluée à 6% en 2004 par rapport à l'année précédente. En comparaison avec les cinq dernières années, cette croissance s'élève a plus de 22% ». Il impute cette croissance à : « L'activité des chalutiers qui a enregistré une évolution à la hausse de 20% par rapport à 2003 et de 45% comparée aux cinq dernières années. Mais aussi aux petits métiers qui participe à hauteur de 50% de la production. » A propos de la création d'emplois générés par le programme, la direction de la pêche avance un chiffre d'environ 300 emplois directs. La même source affirme que dans le secteur, un emploi direct en génère trois autres indirects. Malgré cette croissance, la direction se veut optimiste et prévoit à moyen terme de passer de 6000 tonnes (production actuelle) à 20 000 tonnes dans les années à venir parce que la côte locale disposerait d'une réserve assez consistante. Cependant, le tableau dressé par la direction de la pêche de la wilaya de Skikda est largement contesté, voire même rejeté par les marins pêcheurs locaux à travers leur association. Cette dernière réfute les chiffres soutenus par les responsables et avance comme argument la rareté du poisson dans les marché de la wilaya et la flambée des prix des produits de la mer. A propos du plan de la relance et de l'impact qu'il aurait eu sur les pêcheurs, le président de l'association affirme : « Pour nous, ce plan tel qu'il a été présenté au départ était voué à l'échec. » Il explique : « Il aurait été préférable de renouveler toute la flottille vieillissante en prenant exemple sur des pays tels que la Tunisie ou la France. Comment prétendre revaloriser le secteur dans une wilaya qui compte 17 embarcations jugées inaptes à la navigation ? En plus, le prix du mazout nous enfonce davantage. » Il estime également que : « la flottille existante aurait dû plutôt bénéficier de l'argent de la relance pour permettre aux gens de la mer de disposer de moyens afin de pérenniser le métier ». Toujours selon le président de l'association, la situation des marins pêcheurs de Skikda ne serait pas aussi envieuse qu'on le pense en affirmant que « 2700 marins pêcheurs sont démunis et pas moins de quatre usines de conditionnement sont au bord de la faillite vu la cherté de la matière première. On est bien loin de l'époque où la pêche du jour pouvait aller jusqu'à 400 casiers de sardine ; aujourd'hui la réalité est toute autre. Le poisson bleu est introuvable ». Toujours selon la même source, les chances d'augmenter le ratio alimentaire en poisson de chaque citoyen sont donc incertaines : « Je vois mal comment ce ratio peut augmenter quand on voit les prix exorbitants du poisson. » Cependant, les deux parties s'accordent à dire que les infrastructures de base sont insuffisantes, et qu'il devient urgent d'y remédier. A ce sujet, le président de l'association estime que « les infrastructures actuelles sont incapables d'accueillir les nouvelles acquisitions. Où pourra-t-on les accoster ? » Le directeur de la pêche explique, quant à lui, que : « Le port de Stora est encombré, son extension est toutefois imminente puisque nous attendons l'inscription de l'opération, l'aménagement du port de Collo est à 95% d'achèvement, celui de la Marsa doit encore être désensablé ».