Djamila, jeune émigrée installée depuis peu en Algérie, et son cousin ont été incarcérés mardi dernier pour avoir « cassé » le Ramadhan. Après avoir été incarcérés à la prison d'El Harrach, les poursuites judiciaires ont été abandonnées suite à une intervention « d'en haut ». Les faits remontent à mardi dernier. Ayant passé la journée à courir les rendez-vous professionnels pour l'ouverture prochaine de sa société, Djamila et son cousin se sont installés dans un parc, à l'abri des regards, pour se rafraîchir et s'alimenter. « Il y avait une chaleur atroce ce jour-là. Dans la mesure où nous devions faire des allers-retours quotidiens entre Alger et la Kabylie, où mes parents possèdent une maison, il fallait prendre des forces pour ne pas causer d'accident de voiture. Nous étions garés dans le parking attenant au parc de Ben Aknoun. Personne ne passe par là à 15h », nous a expliqué Djamila. A peine ont-ils ouvert leur sac que deux policiers en civil les ont accostés. A la vue des sandwichs, ils les ont questionnés sur leur religion. « Les deux flics nous ont proposé d'aller au poste de police pour une simple vérification d'identité sur ordinateur et nous les avons suivis », raconte Djamila. C'est au commissariat de Draria que le cauchemar a commencé pour Djamila et son cousin. Les policiers ont d'abord voulu prétendre que son cousin buvait de l'alcool dans le parking de Ben Aknoun. Puis ils les ont accusés d'être « amants ». « Ils ont interrogé mon cousin de façon très musclée sur le fait de ne pas jeûner », relate Djamila. Le commissaire de police leur a fait signer un PV en arabe où il était mentionné qu'« ils mangeaient sur la place publique devant des piétons ». Djamila, qui ne sait parler ni écrire l'arabe, a signé sans savoir de quoi il retournait, sur injonction des policiers. Après une visite médicale, les deux « non-jeûneurs » ont passé la nuit en garde à vue au commissariat. Mercredi matin, les deux cousins ont été menottés pour leur passage devant le procureur. « Dans la salle d'attente, les autres prévenus ne portaient pas de menottes. Nous avons été considérés comme de vrais criminels », rapporte Djamila. De catastrophe en catastrophe, le procureur a décidé de les transférer à la prison d'El Harrach. Le motif invoqué pour leur incarcération a été le « dénigrement du dogme et des préceptes de l'Islam ». « Nous n'avions aucune idée de ce qui se passait. Dans la voiture de police, les flics n'ont pas voulu nous dire où ils nous emmenaient. Lorsque nous avons compris que nous étions en route vers El Harrach, nous avons appelé notre famille en toute hâte avant que les téléphones ne soient confisqués », confie notre interlocutrice. A la prison d'El Harrach, Djamila dormait à même le sol, car il n'y avait plus de lit disponible dans le dortoir des femmes. Au même moment, toute sa famille s'est impliquée pour faire libérer les deux prisonniers. L'affaire a connu son dénouement jeudi 3 septembre, tard dans la nuit, grâce à l'intervention de quelqu'un « haut placé ». La sœur de Djamila s'insurge contre « l'absurdité » d'une telle condamnation. « On savait que les libertés fondamentales étaient bafouées en Algérie. Oui le Ramadhan est un mois sacré. Oui, c'est un mois de jeûne pour les croyants. Mais il appartient à chacun de pratiquer sa foi selon ses convictions et sa conscience religieuses », dit-elle. Et d'ajouter : « Sommes-nous dans une soi-disant République démocratique et populaire. Ce serait alors une démocratie guidée par l'intransigeance. Pourquoi le fait de manger durant le Ramadhan serait-il un crime passible de prison au même titre que la dilapidation ou le détournement des deniers publics. » Selon l'avocat de Djamila, cette affaire n'aura pas de suite. L'épisode a été comme « effacé » des archives du commissariat de Draria. Djamila et son cousin, eux, se souviendront longtemps de leur mésaventure.