Pour une fois que la télévision algérienne a programmé un feuilleton ramadhanesque sur les vie des Algériens ailleurs et pas forcément en France, on s'attendait à quelque chose de nouveau, de pas commun, bref autre chose que du déjà-vu. Bin El Barah Ouael Youm (entre hier et aujourd'hui) de Brahim Ameur veut plutôt retracer la vie au quotidien de nos « frères » au pays de l'Erable. Le quotidien des Algériens, dont l'émigration dans ce pays nord-américain est des plus récentes ; elle s'est particulièrement accélérée dans les années 1990 pour atteindre le chiffre d'au moins 45 000 individus. Il s'agit bel et bien, dans ces conditions, d'une communauté, certes récente et proportionnellement modeste par rapport aux autres, d'implantation beaucoup plus ancienne, une communauté qui a d'autres soucis de coexistence avec les autres que ceux que l'on connaît de l'émigration algérienne en France et dans d'autres pays d'Europe qui remonte, elle, à plusieurs générations. C'est dire combien l'initiative de Brahim Ameur peut paraître a priori intéressante à plus d'un titre, car on a tous dans la famille ou parmi nos connaissances un jeune médecin ou un ingénieur qui a choisi de s'expatrier au Québec. D'autant que les Algériens du Québec, notamment ceux qui vivent à Montréal, commencent à s'organiser en tant que communauté à part entière afin de pouvoir s'exprimer à travers des médias, le cinéma, le théâtre, à l'instar des autres communautés qui vivent sur le sol canadien, plus particulièrement celles de confession musulmane. L'après 11 septembre 2001 a quelque peu contraint et accéléré ce besoin d'affirmation culturelle des communautés de confession musulmane installées au Canada. Ainsi, il y a deux ans, une série produite par un réalisateur canadien d'origine pakistanaise, La petite Mosquée dans la prairie – un clin d'œil à l'interminable série américaine La petite Maison dans la prairie – qui retrace la vie d'une communauté musulmane asiatique au pays de l'Erable, a fait un « tabac » sur les chaînes anglophones canadiennes. Toutes proportions gardées, on pensait, avec la diffusion par la télé algérienne de Bin El Barah Oua El Youm, Brahim Ameur allait quelque part donner la parole aux Algériens vivant au Québec afin qu'ils s'expriment. Déception ! Filmée dans des conditions déplorables, desservie par une mauvaise qualité de l'image et du son, la série donne l'impression d'être non pas un produit amateur, mais plutôt un bricolage diffusé à une heure de « grande écoute ». Tout cela aggravé par un scénario aride, des dialogues creux. Le comble a été le discours, dans la plus pure langue de bois, sur l'ouverture de la ligne aérienne reliant Montréal à Alger et qui répond aux attentes de notre communauté vivant au Québec, etc. Succession de clichés, d'idées préconçues à l'égard des femmes, notamment celles qui travaillent – surtout quand elles vivent à l'étranger – et autres préjugés reproduits par le réalisateur, piégé par la tentation de généraliser les comportements et les attitudes des Algériens. Comme la facilité à lever la main sur la femme pour ensuite être arrêté par la police, traduit devant le juge et, conséquence de tout cela, le divorce, la séparation. Couple séparé, famille brisée, mari flambeur qui perd tout son argent, femme « dévergondée » ou peu attentionnée, etc., l'émigration algérienne au Canada ne serait qu'une succession de drames de ce genre pour Brahim Ameur. Des raccourcis trop courts que ne peut résumer ce manichéisme, accompagné d'un discours moralisateur dans lequel est tombé le réalisateur.