Rafic Hariri, ancien Premier ministre libanais, victime, lundi à Beyrouth, d'un attentat à la voiture piégée, a eu droit hier à un hommage à sa mesure, celle d'un grand homme d'Etat qui a su diriger le Liban de l'après-guerre et mener sa reconstruction au pas de charge. Sa famille voulait des funérailles populaires, et elle n'a pas eu tort, au regard de cette marée humaine qui a accompgné Rafic Hariri à sa dernière demeure. En effet, une foule immense, évaluée à plusieurs centaines de milliers de personnes, a rendu un dernier hommage empreint d'une grande émotion dans le cœur de Beyrouth à l'ancien Premier ministre libanais. L'on parlait de foule survoltée et compacte faisant que sa famille ne parvenait pas à le porter jusqu'à la mosquée avant son inhumation. Auparavant, le cercueil avait été porté à bout de bras, mais rapidement, une foule immense a empêché son transport jusqu'à la mosquée Mohammad Al Amine, sur la place des Martyrs, où il devait être inhumé. L'on relèvera aussi que cette cérémonie a pris une tournure quelque peu inattendue, avec des slogans antisyriens. Avant le départ du cortège funèbre, des milliers de Libanais en colère ont scandé : « La Syrie dehors ! », « Disons la vérité, la Syrie on n'en veut pas ! », « Ecoutez bien, écoutez bien, la Syrie est la source du terrorisme », criaient d'autres, en proférant des insultes contre les dirigeants syrien et libanais, tandis que la foule agitait des drapeaux libanais. Le cercueil de Rafic Hariri, enveloppé d'un drapeau libanais, transporté en début de matinée de l'hôpital de l'Université américaine de Beyrouth jusqu'à son domicile, a ensuite été installé dans une ambulance pour prendre le chemin de la grande mosquée Mohammad Al Amine dans le centre-ville. Les rues étaient noires de monde et la foule, venue de différentes parties du Liban, affluait de partout vers la grande mosquée, sur la Place des Martyrs, où Rafic Hariri a été inhumé peu après la prière du Dohr. La foule était noyée sous une forêt de drapeaux libanais et ceux des divers courants politiques du pays dont ceux de l'opposition chrétienne. A cette cérémonie ont également pris part des personnalités étrangères comme le secrétaire d'Etat adjoint américain pour le Proche-Orient, William Burns, le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa et le Premier ministre égyptien, Ahmed Nazif. Le président français, Jacques Chirac, venu présenter ses condoléances à la famille de Rafic Hariri qui était un ami personnel. L'Union européenne est représentée par son émissaire spécial pour le Proche-Orient, Marc Otte, l'Autorité palestinienne par le ministre des Affaires étrangères, Nabil Chaâth et le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, par son conseiller Lakhdar Brahimi, que les Libanais connaissent particulièrement bien pour avoir mis autour d'une table les protagonistes de la guerre civile et aidé à la conclusion en 1990 de l'accord interlibanais de Taef. Les Libanais l'appelaient tout simplement, Monsieur paix. Au plan local, de nombreuses personnalités de l'opposition, les plus hauts dignitaires religieux, le président du Parlement, Nabih Berri ainsi que des députés, étaient présentes à ces funérailles qui se sont déroulées dans la mosquée édifiée grâce à des dons de Rafic Hariri. L'ex-Premier ministre devait l'inaugurer prochainement. Sept de ses gardes du corps également tués dans l'attentat lundi ont été inhumés en même temps que lui. La famille de Hariri avait décidé que les obsèques de Rafic Hariri seront « populaires » et non officielles. Celle-ci a ainsi désavoué le gouvernement libanais qui avait annoncé des « funérailles nationales ». « La famille a refusé de façon catégorique » que les obsèques soient organisées par l'Etat, a indiqué un proche de la famille. Le député et chef druze libanais, Walid Joumblatt, a « conseillé » au président libanais Emile Lahoud de ne pas participer aux obsèques. « Je lui conseille de ne pas venir. Je conseille à tous les membres de ce régime de ne pas s'y rendre, car des œufs, sinon des pierres, leur seront lancés », a-t-il dit. Walid Joumblatt a décidé, rappelle-t-on, de partir en campagne contre le président Emile Lahoud et aussi contre la Syrie. Il a pris la succession de son père à la tête de la communauté druze et du Parti socialiste progressiste (PSP) Kamel Joumblatt victime, lui aussi, des assassinats politiques.