De quoi sera fait le Liban de l'après-élection ? Il sera celui de l'incertitude comme vient de le rappeler le nouvel attentat politique qui a eu lieu hier et qui a visé une figure emblématique du paysage politique libanais et de la résistance anti-israélienne. En effet, et alors même que les enquêteurs de l'ONU interrogeaient l'un des chefs de la sécurité libanaise, l'explosion d'une voiture piégée emportait l'ancien secrétaire général du Parti communiste libanais. Georges Hawi, un proche de l'opposition antisyrienne, même si cette notion n'a pas beaucoup de sens, a été tué hier dans un attentat, en plein-centre de Beyrouth. Une série noire qui se déroule à la manière d'un scénario du même type, c'est-à-dire sombre dans son exécution, mais aussi dans les perspectives qu'il laisse apparaître pour les Libanais qui réapprenaient à vivre, mais sans oublier les affres de la guerre civile qui a frappé durement leur pays entre 1975 et 1990. Georges Hawi, âgé de 65 ans, se trouvait dans sa voiture, près de son domicile dans le quartier de Wata Moussaytbeh lorsque l'explosion a eu lieu, selon une source policière. Son chauffeur a été blessé. L'attentat semble avoir été perpétré à l'aide d'une télécommande, selon des témoins, mais rien n'est aussi sûr à ce stade de l'enquête. Les équipes de secours se sont aussitôt rendues sur place dans ce quartier très commerçant. Premier à en donner son point de vue, le Premier ministre libanais n'a pas été au-delà de ce que pense déjà le commun de ses concitoyens. « A chaque fois que l'Etat accomplit une avancée, il y a des gens aux aguets qui troublent la sécurité et envoient des messages sanglants », a affirmé Nagib Miqati sur les chaînes de télévision. « Je m'entretenais avec le président de la République Emile Lahoud lorsque nous avons appris la nouvelle avec ébahissement », a-t-il ajouté. « Il s'agit d'une tentative de frapper l'unité et la réconciliation nationale, après la tenue des élections législatives libres et démocratiques, mais nous ne céderons pas », a pour sa part indiqué le ministre de la Justice, Khaled Kabbani. « Nous accusons les services de renseignements et Israël dans cette série d'attentats contre la patrie », a dit l'actuel secrétaire général du PC libanais, Khaled Hdeydi, arrivé sur les lieux du crime. Le dernier attentat à Beyrouth remonte au 2 juin, lorsque le journaliste antisyrien, Samir Kassir, avait été assassiné. L'enquête piétine. Georges Hawi et Samir Kassir, 45 ans, étaient tous deux des figures de proue de la gauche, le premier menant l'opposition au sein du PCL, le deuxième dans le mouvement de la gauche démocratique. Ils se sont distingués par leur opposition à la domination syrienne du Liban. Ils ont été assassinés dans les mêmes circonstances : une faible charge explosive placée dans leur voiture et qui inflige des blessures mortelles au passager. Les deux attentats ont eu lieu quasiment à la même heure, autour de 10 h locales, dans des quartiers résidentiels de la capitale. Georges Hawi avait été l'un des premiers à accuser les anciens responsables des services de sécurité libanais, inféodés à Damas, dans l'assassinat de Kassir. Responsables et activistes de gauche, qui ont afflué sur la scène du crime, ont immédiatement établi un parallèle entre les deux assassinats. Khaled Hdeydi parle d'une « série qui vise à assassiner la patrie ». Le député Ghazi Aridi note, avec tristesse, que « chaque fois, nous nous rassemblons sur les lieux pour constater la disparition d'une figure de l'opposition » à la Syrie qui a dominé jusqu'à récemment le Liban. Les mêmes doigts accusateurs sont également pointés vers l'« appareil de sécurité syro-libanais », comme l'affirme Elias Atallah, chef de la gauche démocratique. M. Hdeydi fustige, lui, les « services de renseignements ». « Hamadé, Hariri, Kassir, Hawi, qui sera le prochain ? », crie-t-on sur les lieux. Le député antisyrien Marwan Hamadé a été grièvement blessé dans un attentat en octobre 2004, alors que l'ex-Premier ministre, Rafic Hariri, qui avait haussé le ton à l'égard de Damas, a péri dans une explosion le 14 février dernier avec 19 autres personnes, dont le député Bassel Fleyhane. Dans le même temps, apprenait-on, le chef de la commission d'enquête des Nations unies dans l'assassinat de Rafic Hariri a convoqué le chef de la Garde présidentielle, le général Moustapha Hamdane, qui était interrogé, a-t-on appris auprès de l'ONU. La Commission, dirigée par le procureur allemand Detlev Mehlis, « a ordonné une perquisition de son bureau et de son domicile, qui a été menée ce matin, et il est actuellement interrogé », a précisé une source au centre d'informations de l'ONU à Beyrouth. Il s'agit de la première annonce d'un interrogatoire d'un responsable libanais par la Commission, opérationnelle à Beyrouth depuis le 16 juin. Le général Hamdane est le seul des six responsables accusés par l'opposition antisyrienne dans l'assassinat de Rafic Hariri à être toujours en fonction. Les cinq autres, quatre responsables de services de sécurité et le procureur général de la République Adnane Addoum, avaient présenté leur démission ou avaient été écartés. Que donneront ces investigations ? Tel est le sentiment des Libanais qui refusent désormais les enquêtes bâclées ou sans suite. Qui tue, qui en est le commanditaire ? L'on saura ensuite pour quels objectifs.